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Écrit par : Lucrèce
Titre : De la Nature
Date de parution : 1939
Éditeur : Garnier
 
 

Lucrèce, De la Nature, Garnier, Paris, 1939, X + 450 pp.

Lucrèce est un OVNI parmi les grands auteurs de l’Antiquité classique. Non seulement nous ignorons tout de la vie de ce poète latin du premier siècle avant J.-C., dont l’œuvre fut publiée par son contemporain Cicéron, mais de plus, l’apparence qu’adopte son enseignement tranche singulièrement avec celle des autres doctrines philosophiques connues.

L’auteur transmet aux Latins, en un somptueux poème épique composé de six livres, la doctrine du philosophe grec Épicure (342-270) qui s’appuie pour sa part largement sur l’atomisme de Démocrite (460-370) : tout est composé d’atomes qui se meuvent sans cesse dans l’espace vide.

Dans l’esprit de beaucoup, l’épicurisme est réduit à une recherche de vulgaires plaisirs, et en outre, à de l’athéisme tout court.

Bien des passages dans l’œuvre de Lucrèce évoquent irrésistiblement certaines théories scientifiques modernes ; par exemple :

«Quand ils s’imaginent que c’est pour l’homme et par les dieux que tout a été créé, ils se trompent, ils s’égarent fort loin de la vérité. Pour moi, quand j’ignorerais la nature des éléments premiers, j’oserais encore, sur le simple examen des phénomènes du ciel et sur bien d’autres faits, affirmer que l’univers n’a pas été fait pour nous de création divine, tant l’ouvrage est défectueux !» (II, 174 à 181)

Mais hâtons-nous de préciser que les meilleurs enseignements sont toujours susceptibles d’être compris de la façon la plus subversive qui soit. Il est possible que le De la Nature, apparemment peu goûté dans l’Antiquité, complètement tombé dans l’oubli au Moyen Âge, mais déterré avec enthousiasme à la Renaissance, n’échappe pas à cette règle.

Ce qui doit contribuer à suspendre toute condamnation hâtive, c’est par exemple l’intérêt éprouvé par Horace pour l’épicurisme ; ce sont les nombreux emprunts faits par Virgile aux vers de Lucrèce ; c’est le jugement d’Ovide : «Les poèmes du sublime Lucrèce ne périront que le jour où le monde entier sera détruit» (Amours, I, 15, 23 et 24, trad. Bornecque).

Lucrèce lui-même nous invite à la prudence :

«Peut-être vas-tu croire qu’on t’initie à des doctrines impies ?» (I, 81 et 82)

Il est cependant très loin de nier l’existence des dieux :

«Les dieux, en effet, doivent à leur nature même la jouissance de l’immortalité dans une paix absolue ; éloignés de nos affaires, ils en sont complètement détachés. Exempts de toute douleur, exempts de tout danger, forts de leurs propres ressources, indépendants de nous, ils ne sont ni sensibles à nos mérites, ni accessibles à la colère.» (II, 644 à 650)

Pour décrire la vie bienheureuse des dieux, Lucrèce traduit, au début du livre III (vv. 18 et ss.), un passage de l’Odyssée (VI, 42 et ss.) d’Homère, poète assurément peu suspect d’hérésie théologique. D’ailleurs, Lucrèce s’adresse directement à la Muse :

«Toi, dirige ma course vers le terme de ma carrière, ô Calliope, repos des hommes et plaisir des dieux ! Puissé-je, guidé par toi, obtenir la couronne de gloire !» (VI, 91 à 94)

Ce n’est pas à la religion que s’attaque l’auteur, mais à la superstition :

«Grandes sont les leçons que je donne : je travaille à dégager l’esprit humain des liens étroits de la superstition.» (I, 930 et 931)

«La piété, ce n’est pas se montrer à tout instant la tête voilée devant une pierre, ce n’est pas s’approcher de tous les autels, ce n’est pas se prosterner sur le sol la paume ouverte en face des statues divines, ce n’est pas arroser les autels du sang des animaux, ni ajouter les prières aux prières ; mais c’est bien plutôt regarder toutes choses de ce monde avec sérénité (pacata mente).» (V, 1197 à 1202)

Concluons par quelques autres extraits susceptibles d’éveiller l’intérêt du lecteur :

«C’est de là [de l’Achéron], dit-il [Ennius], que lui est apparue l’ombre d’Homère, à la gloire éternellement jeune, et qui ayant versé des larmes amères, lui dévoila les secrets de la nature.» (I, 125 à 127)

«Quel témoignage plus sûr pour nous que celui des sens pour distinguer le vrai du faux ?» (I, 700 et 701)

«L’âme (anima) séparée du corps ne peut avoir ni yeux, ni nez, ni mains, ni langue, ni oreilles, ainsi donc les âmes par elles seules ne peuvent avoir sensation ni existence.» (III, 631 à 633)

«Les âmes (animas) ne sont ni exemptes de commencement ni soustraites à la loi de la mort.» (III, 686 et 687)

«La plus grande douceur est d’occuper les hauts lieux fortifiés par la pensée des sages, ces régions sereines d’où s’aperçoit au loin le reste des hommes, qui errent çà et là en cherchant au hasard le chemin de la vie […]. Ô misérables esprits des hommes, ô cœurs aveugles ! Dans quelles ténèbres, parmi quels dangers, se consume ce peu d’instants qu’est la vie ! Comment ne pas entendre le cri de la nature, qui ne réclame rien d’autre qu’un corps exempt de douleur, un esprit heureux, libre d’inquiétude et de crainte ?» (II, 7 à 19)

 «Les atomes descendent bien en droite ligne dans le vide, entraînés par leur pesanteur ; mais il leur arrive, on ne saurait dire où ni quand, de s’écarter un peu de la verticale, si peu qu’à peine peut-on parler de déclinaison.» (II, 217 à 220)

«Nous sommes tous nés d’une semence venue du ciel ; l’éther est notre père commun ; c’est de lui que la terre, notre mère nourricière, reçoit les gouttes de la pluie fécondante et enfante ainsi les brillantes moissons, les arbres vigoureux et la race des hommes.» (II, 990 à 994)

«L’homme est à soi-même un compagnon inséparable et auquel il reste attaché tout en le détestant ; l’homme est un malade qui ne sait pas la cause de son mal. S’il la pouvait trouver, il s’appliquerait avant tout, laissant là tout le reste, à étudier la nature ; car c’est d’éternité qu’il est question, non pas d’une seule heure ; il s’agit de connaître ce qui attend les mortels dans cette durée sans fin qui s’étend au-delà de la mort.» (III, 182 à 188)

«Il arrive que sous l’effort des vents un arbre penche ses épais rameaux sur ceux d’un autre arbre et s’échauffe au contact : la violence du frottement fait jaillir le feu qu’ils contiennent et parfois brille une flamme éclatante dans l’entrechoquement des branches.» (V, 1095 à 1099)

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