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Écrit par : Sophocle
Titre :  Philoctète,
Oedipe à Colone
Date de parution : 1960
Éditeur : Les Belles Lettres
 
 
 
 

Sophocle, Philoctète, Œdipe, Les Belles Lettres, Paris, 1960, X + 158 pp.

 

«Sophocle avait au moins 85 ans, quand il a écrit Philoctète.» (p. 5) La pièce est une de ses meilleures.

Elle raconte le drame de celui qu’abandonna à son sort, sur l’île de Lemnos, l’armée grecque en route pour la ville de Troie. Incommodés par la puanteur de la blessure purulente infligée à son pied par un serpent, ainsi que par ses cris de douleur, les soldats écoutèrent le conseil d’Ulysse : poursuivre leur voyage sans lui. Cependant, après presque dix ans de guerre, un oracle révèle aux Grecs que sans Philoctète, et sans l’arc d’Héraclès qui est entre ses mains, il leur sera impossible de prendre la cité ennemie. Ils chargent donc Ulysse, accompagné du jeune et candide Néoptolème, fils d’Achille, de retourner à Lemnos et de leur en ramener le malheureux, de gré ou de force…

Rappelons que les tragédiens grecs sont des commentateurs d’Homère, poète qu’ils ont constamment à l’esprit. Cela se vérifie par exemple dans la description de la grotte où séjourne Philoctète : Sophocle, avec une certaine insistance, la présente comme une réplique de celle d’Ithaque, décrite dans l’Odyssée et longuement commentée par Porphyre dans son Antre des nymphes : «une caverne à deux entrées, telle qu’elle offre […] un double siège au soleil» (Philoctète, vv. 16 à 18) ; «avec double ouverture sur sa chambre de roc» (vv. 159 et 160) ; «cette double porte ouverte dans le roc» (v. 952).

Quant à Philoctète, blessé, comme mort, seul et abandonné de tous, il rappelle l’homme descendu de Jérusalem à Jéricho, dans la célèbre parabole du Bon Samaritain ; ou encore l’Osiris agonisant et impuissant de la religion égyptienne :

«Ne vous laissez pas troubler par la crainte ; n’ayez pas peur d’un homme transformé en sauvage. Ayez pitié plutôt d’un malheureux, seul, abandonné, sans amis. Il s’adresse à vous : parlez-lui, si vous venez bien en amis.» (vv. 225 à 229)

«Au nom de ton père, de ta mère, enfant, de tout ce que tu comptes de plus aimé chez toi, je suis ton suppliant, et je te supplie de ne pas me laisser ainsi seul, sans secours, en proie à pareilles misères, lorsque tu les vois de tes yeux et lorsque tu les as ouïes de tes oreilles. Ah ! songe aussi un peu à moi.» (vv. 468 à 473)

«Nul qui pût, quand un sang brûlant venait à suinter de ses plaies sur son pied grouillant de vermine, nul qui pût, au moyen de plantes apaisantes, calmer ses crises, lorsqu’elles survenaient, en arrachant des simples à la terre féconde.» (vv. 696 à 700)

«Voici de nouveau le sang, dont le suintement me tue, qui sourd du fond de ma plaie.» (vv. 783 et 784)

«La sueur inonde son corps, et, sur le bout de son pied, voici qu’une veine noire éclate en un flot de sang.» (vv. 823 à 825)

«L’homme est là sans regard, sans défense, étendu dans sa nuit […] ! Il ne commande plus à ses bras, à ses jambes, à aucun de ses membres. Il semble une victime vouée au dieu des morts.» (vv. 855 à 860)

Œdipe à Colone est le chant de cygne de Sophocle : son ultime tragédie, écrite alors qu’il avait 90 ans, et son chef-d’œuvre ! La tradition raconte qu’à cette époque, comparaissant devant le tribunal où l’avait convoqué un héritier craignant d’encourir un préjudice en raison de sa sénilité supposée, le poète se contenta de lire un extrait de la pièce sur laquelle il travaillait alors : aussitôt, les juges conclurent à un non-lieu.

Quelle pièce inouïe ! C’est de loin la plus longue que Sophocle ait jamais écrite, et pourtant, l’action ? il n’y en a pour ainsi dire pas : ni meurtre, ni trahison, ni vengeance, ni grave décision à prendre, ni revirement de situation, aucune grosse surprise ! Simplement, le récit des dernières heures d’Œdipe sur terre : le vieillard aveugle, guidé par sa fille Antigone, se réfugie dans un bois consacré aux Euménides, situé à Colone, près d’Athènes, où il s’assure de la protection royale de Thésée. Un oracle venant d’annoncer que l’endroit où Œdipe quitterait ce monde serait divinement protégé, son beau-frère et son fils, jadis impitoyables à son égard, essaient à présent, tour à tour, de l’avoir comme allié ; en vain, car le vieil homme s’est déjà donné au roi d’Athènes, seul à bientôt connaître le lieu de sa «sépulture», et dont la cité est désormais promise à un grand destin.

La pièce, au lieu d’être tragique au sens ordinaire du terme, est plutôt empreinte de résignation et d’une douce mélancolie. La disparition d’Œdipe est certes émouvante pour ses intimes, mais le vieillard, on le devine, va au-devant d’un sort divinement orienté : «Il est difficile de ne pas penser que Sophocle, en écrivant cette dernière scène, songeait à sa propre destinée» (p. 151, n. 1). Le poète ne parle pas d’une mort ordinaire ; tel Hénoch et Élie, Œdipe semble quitter ce monde vivant :

« – Citoyens, je puis en bref vous dire : Œdipe est mort [ÑlwlÒta, litt. “a trépassé”]… Sache qu’il a conquis une vie qui ne finit pas.» (Œdipe à Colone, vv. 1579 à 1584 ; cf. aussi vv. 1611 à 1613, 1732 et 1775).

«Un jour viendra où les gens de là-bas te chercheront partout, vivant ou mort, pour leur propre salut.» (vv. 389 et 390)

« – C’est donc quand je ne suis plus rien, que je deviens vraiment un homme.  
– Aujourd’hui les dieux te relèvent, quand hier ils t’avaient perdu.» (vv. 393 et 394)

«Je viens te faire don de mon malheureux corps. À le voir, il n’a certes rien de précieux. Mais le profit qu’il représente vaut plus que le plus beau des corps.» (vv. 576 à 578)

«Je ne saurais dire qu’aucun propos des dieux ait jamais été vain. Le Temps veille, veille sur eux. Pour les uns, il met des années, pour les autres aussi bien un jour, à les mener jusqu’à leur terme.» (vv. 1453 à 1455)

«Je vais donc, fils d’Égée, t’apprendre quel trésor vous conserverez, toi et ta cité, à l’abri de l’âge et de ses soucis. L’endroit où je dois mourir, je vais t’y mener moi-même sur l’heure, sans qu’aucun guide me tienne par la main. Mais toi, ne l’indique à nul autre, ne révèle ni où il se cache ni l’endroit où il se trouve, si tu veux qu’un jour je te vaille une aide égale à mille boucliers, voire à une armée de renfort accourue d’un pays voisin. Mais le pieux mystère que la parole n’a pas le droit de remuer, tu l’apprendras, toi, une fois là-bas – toi seul, car moi je ne le peux révéler à personne, ni à nul de ces citoyens ni à mes propres enfants, malgré l’amour que je leur porte. Garde-le, toi seul, toujours, et, quand tu atteindras le terme de ta vie, confie-le au plus digne, pour que celui-ci, à son tour et ainsi de suite, le révèle à son successeur. C’est de cette façon que tu maintiendras ton pays à l’abris des ravages que lui infligeraient les Enfants de la Terre.» (vv. 1518 à 1534)

«Des deux hommes l’un n’était plus là, et l’autre, notre roi, avait la main au front, s’en ombrageant les yeux, comme en présence d’un spectacle effroyable qui se fût révélé à lui et dont il n’eût pu supporter la vue. Peu après cependant, et presque sans délai, nous l’apercevons qui adore à la fois dans la même prière la Terre et l’Olympe divin. Mais de quelle mort l’autre a-t-il péri ? nul ne serait capable de le dire, sinon notre Thésée. Qui l’a fait disparaître ? Ce n’est pas un éclair enflammé du ciel, ni une rafale montée de la mer à ce moment-là. C’est bien plutôt un envoyé des dieux ; à moins que ce ne soit l’assise ténébreuse de la terre des morts qui ait eu la bonté de s’ouvrir devant lui. Il n’est pas parti escorté de plaintes, ni dans les souffrances de la maladie, mais en plein miracle, s’il en fut jamais de tel pour un homme. Et si l’on me croit privé de raison, je ne saurais, moi, prêter la raison à ceux-là qui me la refusent.» (vv. 1649 à 1666)

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