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Le symbole du "Coeur" en Islam

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#157

Après avoir lu l'article d'Ibn al 'Adam où l'on propose une symbolique des quatre termes qu'utilise l'arabe pour désigner le mot cœur, j'aimerais poser une question. Les mots "Lubb" et "Fou'ad" sont-ils à rapprocher des idées de Louis Cattiaux concernant l'essence et la substance? L'essence et la substance qui s'unissent, si j'ai bien compris, dans l'athanor des alchymistes, pourraient donc, dans le vocabulaire arabe, s'unir dans le "Qalb", lui-même étant peut être la partie sacrée de l'homme.

Cette interprétation semble-t-elle conforme à la tradition?

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#165

Cher Cœur de Lion,

je vous remercie pour l’attention que vous portez à ce modeste article, et surtout pour la réflexion intéressante que vous nous proposez dans son prolongement.

Malheureusement, je ne connais pas assez la pensée de Louis Cattiaux et le vocabulaire alchymique pour vous donner une réponse digne d’un intérêt véritable à ce propos …
J’ajouterai que les termes d’Essence et de Substance sont particulièrement problématiques dans la comparaison des traditions, tant leur sens et leur acceptation se recouvrent l’un l’autre ou s’échangent selon les lieux ou les époques (cf. notamment la tentative de remise en ordre par Guénon dans les ch. I et II de son Règne de la quantité).

Je vais donc me contenter de partir de votre comparaison entre le Qalb et l’Athanor (qui me semble très intéressante) sans trop me risquer à identifier Lubb et Fu‘âd à « Substance » ou « Essence ».

Selon mon humble compréhension de la tradition du Taṣawwuf, le Qalb est donc un « organe réflexif » ou une « faculté d’entendement » que l’on possède tous de manière innée. Comme l’illustre la racine Q-L-B (vaciller, se retourner) cet organe a donc pour caractéristique et fonction première d’être constamment en oscillation entre le pôle matériel (notre corps matériel et l’ « âme charnelle » - Nafs - qui l’anime) et le pôle spirituel de notre être (le Souffle de Vie - Rûḥ - ou étincelle divine d’où nous tirons notre part d’« Être » ). Ce Qalb serait donc cette capacité que nous avons de nous rendre compte de ces deux dimensions, cette « conscience » que nous avons de nous même et du fait que nous sommes à la fois conditionnés par notre « non-Être » ténébreux, mais aussi constamment animés et appelés par l’Être lumineux qui nous fait « exister » par Lui …

C’est pourquoi le Taṣawwuf est appelé « Science des cœurs » : tout l’enjeux est d’utiliser ce Qalb (comme on utilise un Athanor ?) pour nous affranchir du pouvoir hégémonique de nos appétits corporels et de notre machine mentale (qui n’en est que l’expression la plus sophistiquée). L’œuvre des aspirants à la Voie soufie sera donc de travailler ce Qalb par toute une série de pratiques et d’une éthique intérieure, mais surtout par le compagnonnage d’un maître-éducateur ayant déjà effectué le processus (il sont rares mais ils existent bel et bien !), dont le cœur transformé sert à l’aspirant de miroir pour mieux observer le sien …

Le Fu‘âd et le Lubb sont donc deux dimensions de la purification concentrique de ce Qalb en transformation. Elles sont toutes deux présentes chez chacun de nous, mais latentes et endormies par notre insouciance et nos illusions sensorielles et mentales. Le processus de transformation dégrossit et revivifie le cœur (est-ce la fameuse « cuisson » de l’Alchymie ?), afin d’activer le Fu‘âd, qui est la capacité qu’a notre Qalb de reconnaître instantanément ce qui provient de l’Être et de le distinguer du non-Être (cf. « Le fu’âd n’a pas démenti ce qu’il a vu » - Cor. 53:11). Le grand défi du processus de transformation étant de faire de cette « vision du cœur » sporadique un état permanent de vigilance et d’observation illuminée.

Ce Qalb « conscient » est alors capable de se connaitre lui-même, il devient un miroir poli qui renvoie la Lumière provenant du Rûḥ divin et qui n’est plus voilé par les illusions du non-Être. Ce miroir est donc présent de manière latente dans le cœur de chacun, mais il est trop taché que pour refléter quoi que ce soit. C’est le Lubb, en tant que secret intérieur absolu, en tant que clé du Mystère. Notre Qalb est donc endurci comme l’affirme le Coran — « ceux dont le cœur est malade, ceux au cœur endurci » (Cor. 22:53) — jusqu’à ce que notre Fu‘âd soit rendu actif au point de discerner le Lubb qui résidait depuis toujours au fond de nous : « Celui à qui la sagesse a été donnée bénéficie d’un grand bien. Ceux qui sont doués de Lubb sont les seuls à s’en souvenir » (Cor. 2:269). Cette connexion avec le Lubb semble donc être la clé de la revivification du cœur, puisqu'elle permet au Mystère divin qui s'y trouve d'irradier le reste de l'organe et de lui transmettre la Vie.

Malheureusement, je ne peux vous proposer qu’une compréhension bien superficielle et livresque de cette réalité. Mon propre cœur n’étant qu’une pierre noire et dure, à mille lieues du « cœur blanc comme neige » décrit par Rûmî. Seul celui qui est véritablement parvenu à activer ce Fu‘âd et ce le Lubb pourra nous dire véritablement de quoi il s’agit, et nous transmettre le secret de la transformation ...

J’espère que cela vous inspirera tout de même pour votre comparaison et je serai ravis de lire vos commentaires et vos impressions sur les correspondances entre le Qalb et l’Athanor.

Très cordialement,

que Dieu vous garde et vous attire à Lui !

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#203

Cher Ibn al 'adam,

Je vous remercie de tout cœur pour cette magnifique explication qui m'enchante. Il n'est, certes, pas aisé de démêler les fils tissés par les sages de la Tradition ; ils semblent rudement bien cacher ce mystère qui est pourtant, paraît-il, si simple et si tangible.

En lisant votre réponse, ne peux m'empêcher de songer à l'exégèse chrétienne ( même si je m'écarte un temps soit peu du vocabulaire alchymique, cette comparaison me semble intéressante en vue de saisir au mieux quelques bribes de l'unique Vérité). Le rûh que vous avez évoqué fait songer à l'Esprit Saint, qui, dans la mesure où je l'ai compris, doit s'unir à une partie divine qui sommeille en l'homme et est écrasée par sa nafs (ce qui est sans doute similaire à la psuchè des Grecs). Une fois que cette union physique a eu lieu, c'est-à-dire, une fois que la véritable "foi" a été donnée par grâce divine à l'homme, commence une longue cuisson dans ce que les alchymistes appellent un athanor ; et il se trouve que curieusement, la température de ce four correspond à la température du corps de l'homme (ce qui se réfère donc au mystère de l'Incarnation).

Les plusieurs stades de cuisson ou d'union sont illustrés dans le christianisme par l'image des quatre Évangélistes et des animaux qui leur correspondent. Le taureau (ayant sans doute reçu la foi) devient un lion qui rugit ou qui parle, qui prophétise; et ce lion devient aigle quand il ressuscite, quand il perd son enveloppe charnelle ; et lorsque cet aigle est ressuscité, il revient auprès d'un homme en lui envoyant son Esprit Saint, donc un ange.
Hélas, mes connaissances étant bien loin d'être expérimentales, peut-être cette interprétation est-elle expliquée très maladroitement.
En tout cas, l'union du haut et du bas semble se trouver dans l'athanor de ces quatre animaux, mais à des stades différents.

Je me demande si ces parties divines qui sont dans l'homme et prenant, dans la terminologie arabe, entre autres les noms de Fou'ad et Lubb, ne font pas allusion à des stades différents de cuisson, comme si, plus l'initié cuisait, plus il se rapprochait du Lubb, du centre le plus parfait. Et le Qalb est peut-être, comme nous l'avions soupçonné, le lieu de ces opérations.

Malheureusement, toute cette terminologie est encore bien trop abstraite pour mes oreilles d'âne, et j'espère ne pas vous induire en erreur avec cette lecture originale.

الله يبارك لك ويبقي لكم عربي

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#247

Cher Cœur de Lion,

votre lecture en termes de "cuisson" me semble absolument juste. En tout cas elle traduit parfaitement ma propre compréhension des doctrines du Taṣawwuf :

Je me demande si ces parties divines qui sont dans l'homme et prenant, dans la terminologie arabe, entre autres les noms de Fou'ad et Lubb, ne font pas allusion à des stades différents de cuisson, comme si, plus l'initié cuisait, plus il se rapprochait du Lubb, du centre le plus parfait. Et le Qalb est peut-être, comme nous l'avions soupçonné, le lieu de ces opérations.


Voici d'ailleurs un extrait d'Aḥmad Ibn ‘Ajîba (m. 1809), dans son Mir'âj al-Tashawwuf, qui me semble donner de nouvelles pistes à cette compréhension que nous partageons :

L’âme, le cœur, l’esprit, le secret intime, le for intérieur (al-bâṭin) sont des noms qui désignent une chose unique : l’entité subtile (al-laṭîfa), seigneuriale, par laquelle l’homme est ce qu’il est. La diversité des noms reflète celle des caractéristiques de cette entité : si elle incline du côté de l’imperfection (al-nuqs), on l’appelle « âme ». Si, par un processus de purification, elle passe de la station de l’islâm à celle de l’imân, on la nomme « coeur ». Si, de là, elle passe à la station de l’iḥsân tout en conservant une trace d’imperfection comme une cicatrice après la guérison d’une blessure, on l’appelle « esprit ». Si cette trace disparaît et que l’entité subtile est entièrement épurée, on l’appelle « secret intime ». Si enfin la question se présente sous un aspect plus complexe, on parle du for « intérieur » (al-bâṭin).

Bien que les termes soient interpolés ici, on sent bien ce processus de "cuisson" à l'œuvre ...

Je trouve particulièrement intéressant le fait que pour Ibn ‘Ajîba l'âme ne devient un "cœur" que lorsqu'elle passe "de la station de l’islâm à celle de l’imân", c'est à dire lorsqu'après être passée par l'attestation de l'Unicité divine et de la Prophétie, ainsi que l'acquittement des rites exotériques, l'âme possède la véritable Foi qui concerne entre-autre "les Anges, les Envoyés et les Livres" selon le Hadith. L'Athanor-cœur ne devient donc actif que par la réception de cette Foi qui semble être un passage obligé pour permettre la cuisson véritable qui formera ensuite l'"esprit" qui est rattaché ici à l’iḥsân, c'est à dire proprement au Taṣawwuf et à la Science initiatique.

J'espère que ces nouveaux éléments apporteront du combustible à votre foyer !

Je vous invite également à poster vos excellentes remarques de comparaison entre l'Alchymie, le Christianisme et l'Islâm dans le sujet "Islam et Alchymie" que j'avais proposé ici : www.arca-librairie.com/forum/islam/28-islam-et-alchymie

حفظك آلله و ايدك بروح منه

Dernière édition: par ibn al-3adam.
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