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Péché originel

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#660

M+R, XXVIII, 8' : "défendons-nous farouchement contre la crasse du péché qui nous tue et consumons-la..."
Cette crasse (ce gluten) peut donc être brûlée, mais par quel feu ?

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#661

Je pense que cela mériterait la création d'un nouveau post. Pour ne pas "trop" s'éloigner de celui-ci.
Ici les maux, sur le nouveau post, les remèdes...

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#2475

Chers amis en Dieu,

je me permets de relancer cette conversation sur le péché originel que je découvre aujourd'hui, en même temps que votre forum – passionnant à tout point de vue, d'ailleurs !

L'évocation du mythe de Circé a retenu mon attention, car il se trouve que je me suis tout récemment penchée dessus et sur l'interprétation qu'en font les Anciens. J'en profite donc pour vous faire part de mes découvertes !

Dans Sur la vie et la poésie d’Homère (126), Plutarque s’intéresse à l’étymologie traditionnelle de Circé. Son nom vient de κύκλος (kuklos), le cercle. Circé est donc pour lui l'image de la rotation éternelle de l'univers, ce que confirme sa généalogie, puisqu'elle est la fille du Soleil qui entraîne les planètes dans sa course.
J'ai aussitôt pensé au cycle zodiacal (de ζῷον, zôon, l'animal), bien sûr ! Et vous allez voir que la suite est loin de démentir cette idée !

La métamorphose des compagnons d'Ulysse racontée dans l'Odyssée figure pour Plutarque la métempsychose dont parlent Pythagore et Platon : les âmes des insensés se réincarneraient dans des corps d’animaux après leur mort et seraient ainsi privés de νοῦς (noûs), de raison, d'esprit.
C'est pourquoi l'île de Circé se nomme Aiaié, nom venant du verbe αἰάζειν (aiazein), se lamenter (notamment à l'occasion d'un enterrement) : l'île d'Aiaié serait l'image du tombeau de l'homme, enfermé dans le cycle infernal des réincarnations, de la vie et de la mort.

Porphyre, cité par Stobée (Égl. I, 41, 60), ne dit pas autre chose, précisant simplement que les âmes prisonnières du cycle des réincarnations gémissent par nostalgie de leur vie passée. Et de fait, Homère insiste tout particulièrement sur la fatigue et le chagrin qui accablent Ulysse et ses compagnons à leur arrivée dans l’île (Odyssée, X, 190) !
D'après Porphyre, c'est à cause du regret de leur vie passée, que les âmes retombent dans le kykeon de la naissance et de la mort, terme qu'on pourrait traduire par "mixture" et qui désigne pour Porphyre le mélange de l’âme avec la chair, de l’éternel avec le périssable, de l’intelligent avec le sensible, des choses du ciel avec celles de la terre.
J'oubliais de préciser que ce kykeon est justement le nom du breuvage donné par Circé aux compagnons d'Ulysse (Odyssée, X, vv. 290 et 317) !!
Ce kykeon s'oppose naturellement au môly donné par Hermès à Ulysse et qui permet non seulement de ne pas tomber dans le cycle zodiacal, mais qui permet aussi aux âmes tombées dans un corps animal de redevenir des hommes.
Et Hermès désigne justement ce νοῦς (noûs) qu'ont perdu les âmes en tombant ici-bas, mais qui permet au sage à qui il apparaît de venir les sauver et les faire se redresser.

Proclus va dans le même sens que Porphyre et Plutarque (In Cratylum, 387e), bien entendu !
Circé désigne selon lui l'une des puissances présidant à la génération (on pense au "Prince des puissances de l'air" de Saint Paul !), et son kykeon représente l'oubli et l'ignorance provoquant la chute des âmes ici-bas. En se transformant en porcs, les compagnons d'Ulysse, qui n'étaient jusque-là que de purs esprits, chutent dans un corps animal.

Et ce qu'il y a de plus étonnant dans toute cette histoire, c'est que c'est exactement là ce qu'explique Emmanuel d'Hooghvorst dans le Fil de Pénélope ! Les compagnons d'Ulysse sont d'après lui "les esprits particuliers perpétuellement en quête […] d’incarnation. Ils errent dans des lieux désolés, sur une mer sans rives, stérile et déserte. Leur grande souffrance est également d’être dépourvus d’un corps lourd. Tous sont à la recherche de ce qui pourrait les fixer, comme la parole fixe la pensée et lui donne poids". (Il faut vraiment lire cet article entièrement à ce sujet : c'est tout bonnement passionnant !)

Mais en faisant confiance à Circé, ils se retrouvent enfermés dans une ignoble porcherie…
Toujours d'après Proclus, la porcherie de Circé désigne le bourbier du Tartare, autrement dit l'ici-bas.

Mais ne nous contentons pas de la tradition païenne quand les Pères de l'Église ne disent pas autre chose !

Clément d'Alexandrie compare la mésaventure des compagnons d’Ulysse à la situation des chrétiens sommés de choisir entre les plaisirs de ce monde et le Christ (Stromates, vol. 7, 16-95). En choisissant le présent de Circé, ils choisissent le monde qui les enferme dans la porcherie, alors qu'Ulysse choisit le don d'Hermès. Clément d’Alexandrie va même jusqu'à comparer l’antidote donné par Hermès, le fameux môly, à la puissance rédemptrice du Christ (Stromates, vol. 7, 16-95). Autrement dit, pour Clément d'Alexandrie, Hermès n'est autre que le Saint Esprit !

Origène, allant ainsi à l'encontre de l'idée selon laquelle le christianisme rejette l'idée de métempsychose (je dis ça, je dis rien…), aurait dit dans son Periarchon – perdu pour nous mais dont Saint Jérôme nous rapporte ce passage (Ad Avitum, 3, 11-16) – que les créatures raisonnables sont tombées dans un corps terrestre à cause de leur négligence et que les plus négligentes d'entre elles tomberont dans un corps plus grossier que les autres. Mais grâce à la puissance transformatrice du Logos, ces âmes devenues animales reprendront forme humaine (Entr. Her. 14, p. 150, ligne 23 et sq.).

Ambroise lui-même, qui réfute pourtant explicitement la théorie de la métempsychose (De excessu fratris, II, 127-131), commente à plusieurs reprises la Genèse à travers Platon et Pythagore (Ambroise, Exam. VI, 3, 10 ; In Ps. CXVIIL 10, 11, 2 ; Explanatio Ps. XLVIII, 20, 1) ! Il explique dans ces passages que le pécheur perd l’image divine imprimée en lui par le Créateur et se transforme alors en cheval, en mulet en vipère ou en renard. C'est exactement ce qui arrive aux compagnons d'Ulysse chez Circé !
Je me demande simplement si l'on pourrait aller jusqu'à dire que l'image divine imprimée en l'Homme est le môly… Il me faudrait des éclaircissements de la part de plus savant que moi !

Augustin, pourtant peu enclin d'ordinaire aux joyeuses fariboles, reprend l'interprétation que fait Porphyre de l'île d'Aiaié, île des sanglots, en disant que l'homme est tombé dans l’animalité comme un habitant de la regio gemendi (Ennarationes in Psalmos, 70, serm. II, 7, 49 ; De Genesi ad litteram, III, 12 ; VI, 12 ; VII, 9 ; Civ. Dei, VIII, 23, 68 ; XIII, 3, 30 ; XII, 24, 42).

Plus récemment encore, Hilaire d'Arles, dans sa Vie de Saint Honorat, compare explicitement le Verbe du Christ au môly d'Hermès.

Enfin, pour la blague, voici l'interprétation de Rutilius Namatianus : pour lui, les pratiques ascétiques des moines sont la pire déchéance morale qui soit. Aussi compare-t-il la vie monastique aux poisons de Circé, soutenant que la la règle monastique est pire encore, puisque Circé se contentait de métamorphoser les corps, mais qu'à présent on métamorphose les âmes humaines en âmes de porcs (De Red. 525-526) !

Bref, tout ça est un peu fourre-tout, mais je trouve fascinant de voir à quel point les traditions se répondent et ne font en réalité que répéter toujours la même chose !

Que grâce soit rendue au grand Philosophe Homère, donc, pour nous avoir légué un si bel héritage ! Et puissions-nous le lire un jour en toute connaissance de cause !

Χαίρετε.

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#2481

Merci mille fois pour ces indications précieuses. Ce qui est inouï, c'est que Ambroise dit exactement ce que Paracelse dit dans "Les Fous" (éditions Beya). Les renards, les porcs, les chiens. Darwin peut aller se cacher !!!

Dernière édition: par Pantout.

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#2482

Très intéressant, en effet ! Est-ce que, par hasard, Paracelse évoquerait le mythe de Circé ?

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#2496

Oui, très certainement, mais pas en termes exacts, car la plupart du temps, il feint d'exécrer les Païens. Mais ce n'est qu'une apparence pour viser les "académiques" et éviter probablement le bûcher.

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