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Péché originel

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#37

Que la Paix soit sur vous !

La lecture de votre Lettre aux Néophytes m’a laissé avec un grand nombre d’interrogations. J’ose imaginer que c’est plutôt de bon augure ?

Je dois vous féliciter pour le style, didactique et direct, qui accomplit l’intention manifeste d’être à la portée de tous. Plusieurs passages m’ont étonné par leur tournure, leur vocabulaire ou leur ambivalence, et je voudrais avoir vos avis sur quelques-unes des questions qui m’animent :

Vous parlez du « pêché originel » comme étant partagé par les traditions de La Tradition. J’ai été enchanté d’apprendre qu’en Grec également le mot utilisé pour le « pêché » signifie « manquer son but » (c’est d’ailleurs très révélateur de constater que l’arabe khiṭ’, tout comme l’anglais sin, sont à l’origine des termes d’archers, signifiant … « manquer la cible » !). Mais j’ai été ensuite très étonné de l’idée « passive » que vous me sembliez donner à ce sens en disant que « le péché originel est le fait d’être arrivé dans une matière à laquelle nous n’étions pas initialement destinés », comme si cette erreur provenait du Créateur Lui-même, ou encore d’un démiurge extérieur dont nous serions les victimes.

Selon mon humble compréhension de la tradition coranique et prophétique, la « chute » de l’Adam est pourtant le fruit de la Volonté divine, l’application précise et infaillible du Plan de Sa Création : « Certes Nous avons créé l’Homme dans la plus belles stature, puis nous l’avons relégué au niveau le plus bas » (Cor. 95:3-4), alors que c’est le Satan qui les fait chuter « par tromperie » (Cor. 7:22) ou autrement dit, qui les trompe sur la nature de leur chute …

Car si selon le Hadith Qudsî Dieu est « un Trésor caché » qui a « aimé à être connu » par une Création qui serait cet « autre que Lui » nécessaire à tout Amour, Il nous apprend qu’il a fait de l’Homme son « Calife » sur terre (Cor. 2:30). Ibn ‘Arabî (dans ses Fuṣûṣ al-Ḥikam) nous dit que l’Homme est en effet le « polissage » du miroir de Dieu qu’est cette Création. Qu’il est ce qui permet à ce miroir terne de refléter la Lumière divine. Et ce qui distingue cette créature du reste de la Création pour accomplir cette fonction, c'est justement sa participation à tous les niveaux de celle-ci, puisqu’il a été créé « dans la plus belle des statures » et « relégué au niveau le plus bas » comme l’affirme le verset cité plus-haut. Ibn ‘Arabî rappelle que l’une des étymologies du mot Insân (Homme) est "la pupille de l’oeil" (Insân al-‘ayn). En ce sens, l'Homme serait le centre du Regard divin dans Son miroir ...

Or, l’autre étymologie d’Insân est la racine N-S-Y qui a justement le sens d’« oublier » que vous mentionniez également chez le « divin » Platon comme l’appelle le maître.
Le « pêché originel » de l’Homme serait donc en ce sens l’oubli de sa fonction centrale dans le Plan divin, le fait qu’il prenne « les vessies pour des lanternes » et qu’il se contente du « niveau le plus bas » sans prendre en compte « la plus belle des statures » qui est sa véritable origine. Le pêché serait donc l’ignorance de notre propre réalité et, a fortiori, de celle de Dieu, seul Vrai et Réel …

Je vous rejoins donc tout à fait sur le fait qu’il ne peut pas s’agir d’un « problème moral ». Mais je ne parviens pas à comprendre en quoi c’est pour autant un « problème physique » … Pourriez-vous m’éclairer là dessus ?
Bien entendu la notion de « remède physique » que vous évoquez renvoie à l’autre discussion passionnante sur le fait de « manger » (cf. www.arca-librairie.com/forum/quesions-a-...e-jeune?limitstart=0 ).
J’ai du mal à concevoir le lien entre cet « oubli » qui m’a tout l’air d’être un problème spirituel et « le gluten du sang »… Et je me demande si justement la réduction de notre ignorance spirituelle à des problèmes d’ordre physique n’est pas une manière de s’accrocher à la « peau de bête » comme l’appellent les Romans, plutôt que de « tourner nos pieds vers le Ciel » selon leur symbolisme …

S’il est certain que « qui fait l’Ange fait la bête », et que notre « niveau le plus bas » ne peut pas être oublié pour prétendre n’exister que dans « la plus belle des statures », il me semble que tout l’enjeu est d’être ce qu’Ibn ‘Arabî appelle dhu l-‘aynayn, de « posséder deux yeux » et regarder l’Homme et les mondes avec cette double dimension …

Mais ne risque-t-on pas parfois, par peur de se prendre pour un « Ange » en limitant notre propre réalité au monde de la matière et des sens, de devenir un peu plus « bête » ?

Je vous remercie d’avance pour vos réponses que je sais déjà passionnantes et vous prie de m’excuser si mes questions vous semblent futiles ou qu’elles sont tout simplement la marque d’une ignorance profonde de « la chose » …

Très cordialement,

Que Dieu vous garde !

Dernière édition: par ibn al-3adam.
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#39

ibn al-3adam écrit: Je ne parviens pas à comprendre en quoi c’est pour autant un « problème physique ». [...] Je me demande si justement la réduction de notre ignorance spirituelle à des problèmes d’ordre physique n’est pas une manière de s’accrocher à la « peau de bête ».

Bonjour ibn-al3adam, merci de votre message qui, plus qu'un simple questionnement, est déjà une riche et très intéressante contribution!

Si j'ai bien compris, vous craignez finalement que le point de vue exprimé dans l'article adressé aux néophytes, n'incite l'homme à chercher le remède physique permettant, tout compte fait, à notre corps animal de rester ce qu'il est: un corps animal, mais à l'abri de la maladie, dont nous jouirions perpétuellement, mais d'une jouissance toute bestiale.

Pour autant que je saisisse l'intention des philosophes, ceux-ci font toujours la distinction entre le corps animal, celui dont sont revêtus tant d'hommes, et qui est destiné à mourir (la tradition juive représente cet homme animal par Ésaü), et le corps glorieux, source de toute véritable réjouissance, de toute santé, de tout bonheur. Ce corps glorieux est bien un corps, et le fait que la plupart des hommes ne le possèdent pas, prouve bien qu'il existe un problème physique.

C'est à ce problème que fait allusion d'Eckartshausen, quand il parle de la matière du péché, le gluten contenu dans notre sang. Ibn ‘Arabî, que vous citez, ne fait-il pas la même chose en parlant de la nécessité de « posséder deux yeux »? Tous les hommes n'auraient donc pas ces deux yeux, ou s'ils les possèdent, ne les ont pas nécessairement tous deux ouverts.

Il ne me semble pas qu'il y ait une véritable contradiction avec les citations coraniques et exégétiques que vous produisez.

Ma réponse est encore un peu brève, mais j'attends avec plaisir votre réaction. D'autres internautes voudront peut-être bien se joindre à cette discussion!

Dernière édition: par Athanase Lynxe.
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  • Pantout
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#43

Cher Forumiste, vous honorez ce forum par vos remarques très pertinentes et même savantes. Oui, c'est bien Dieu, je crois, qui a imaginé la chute possible. Augustin dit même: Felix culpa (heureuse faute). Cela n'empêche pas cette chute d'être semblable à un potier qui fabriquerait des pots magnifiques dans une terre plastique qu'un ennemi aurait, à son insu, polluée de sable. Ils se craquelleraient assez vite, et il devrait chaque fois recommencer en ne comprenant pas pourquoi. C'est bien une chute corporelle, car le corps est un but divin, celui de la parole. Malheureusement, cette attraction vers le corps a fait de l'homme un corps animal, celui des porcs de Circé (chez Homère). Voilà pourquoi le Christianisme enseigne que par la manducation d'un médicament, on peut retrouver ce beau corps, et non par une morale...
Du moins, c'est ce que je crois.

Bien à vous.

Dernière édition: par Pantout.

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#63

Cher Athanase-Lynxe,
merci pour votre réponse et pour vos encouragements !

A l’évidence, mes questions sont le fruit de mon manque de connaissance des différentes « matières » traitées sur ce site, auquel se soustrait également le peu de familiarité que j’ai avec le vocabulaire et le langage utilisé par la tradition alchymique. Je me considère donc comme l’un de ces néophytes à qui s’adresse cet article lorsque je vous fait part de mes interrogations.

C’est donc justement parce que je suis convaincu que, comme vous le dîtes si bien :

Il ne me semble pas qu'il y ait une véritable contradiction avec les citations coraniques et exégétiques que vous produisez.

que je me permets des développements sans doute fort référencés, afin de mieux présenter le terreau symbolique dans lequel j’espère un jour germer, si Dieu le veut. Il ne peut y avoir qu’une Vérité, et je suis donc persuadé que tous les chercheurs sincères parlent de la même « chose », puisque tous les véritables « connaissants » dont ils s’évertuent à suivre les traces n’ont pu arriver qu’à Une seule et même destination … S'il y a contradiction, ce ne peut être que par un manque de connaissance.

A propos de la dimension « physique » que je ne parvenais pas à saisir, vous avez tout à fait pointé le problème en mentionnant la différence (et donc la confusion possible) entre le corps animal et le « corps glorieux ». Mon immense carence en étymologie grecque me fait comprendre la notion de « physique » comme étant liée au monde « sublunaire », comme étant un synonyme de « matériel » … Mon erreur proviendrait-elle de là ?

Il me semble que l’âme et le corps sont deux niveaux de réalités différents d’une même « chose ». Je cite ici Molla Sadra qui expose la chose avec une clarté remarquable à mes yeux :
Malgré leur différence, âme et corps existent par un acte d’être unique. C’est comme s’ils étaient une seule et unique chose ayant deux aspects, l’un changeant et disparaissant, qui est comme le dérivé, l’autre stable et demeurant, qui est comme le fondement (Ṣadr al-Dîn Shîrâzî, Asfār 9, 96-99).

Or, la qualité de ce corps en tant que « dérivé », en tant qu’émanation de ce « fondement » qu’est l’âme dépendrait donc entièrement de la qualité de celle-ci :
Plus l’âme devient parfaite dans son mode d’existence, plus le corps devient purifié et subtil, plus intense est sa jonction à l’âme et plus forte l’union des deux (Ibid.).

Pour se libérer du corps animal et vivre dans un « corps glorieux » il s’agirait donc de libérer son âme de tout ce qui l’attache à ce « cadavre », pour permettre une nouvelle naissance :
Il n’en va pas comme le pensent la plupart des gens, à savoir que lorsque le mode d’existence de l’âme passe de ce monde-ci à une existence d’outremonde, elle se dépouille de son corps et se retrouve nue. Ils pensent cela parce qu’ils pensent que le corps naturel que l’âme gouverne de façon essentielle et première est cette carcasse morte, ce qui n’est pas le cas. Le corps véritable est celui dans lequel la perception et la vie coule de façon essentielle non pas par accident, et ce corps est à l’âme ce que la clarté est au soleil. L’abstraction graduelle dans la perception, de la sensation à l’imagination, ne se fait pas en délaissant certains aspects, mais par un changement de mode d’existence, qui devient plus parfait. Ici aussi, l’homme se libère (de la matière) et passe du monde d’ici-bas à l’outremonde par un changement de mode d’être, de la naissance première à la naissance seconde (Ibid.).

Le corps serait « ce que la clarté est au soleil », il ne ferait que refléter l’état de l’âme :
Le corps de l’au-delà naît de l’âme en rapport à ce qui la caractérise (Asfār 9, 200) (...) Le corps de l’au-delà est comme une ombre qui suit l’esprit, comme quelque chose qui l’imite et en est la représentation, ou plutôt, les deux sont unis dans l’acte d’être, à la différence de ces corps-ci, qui se corrompent et changent sans cesse (Asfār 9, 183).

Un « corps glorieux » ne serait donc envisageable que procédant d’une « âme glorieuse », tout comme est envisageable la renaissance sous des formes autres qu’humaines de âme qui serait dominée par des caractéristiques animales ou encore végétales, comme l’affirment le Bouddhisme mais aussi le Coran (cf. par exemple Cor. 2:59 sur la malédiction de Dieu qui transforme « en singes et en porcs ») :
L’âme humaine prend lors de la résurrection (qiyāma) la forme de ce qui domine en elle comme caractère, habitude et croyance [...]. C’est là la transmigration (tanāsukh) en réalité (Ṣadr al-Dîn Shîrâzî, Ajwibat al-masā’il al-Kāshāniyya).

Mais Molla Sadra affirme bien la Résurrection corps et âme comme étant (analogiquement) une réalité à la fois exotérique et ésotérique :
Ce qui est ressuscité, c’est cette personne, corps et âme. Si l’on nie cela, on nie la loi révélée et on est déficient dans la sagesse. Cela conduit à nier nombre de textes du Coran.
(Asfār 9, 166).
Il semble faire ici référence, entre-autre, à un célèbre verset de la Sourate Yâ-Sîn : « Et il Nous lance un exemple, oublieux de sa propre création. Il dit : Qui donnera vie aux ossements alors qu’ils sont en décomposition ? Dis : Celui qui les a fait être une première fois leur donnera vie » (Cor. 36:77-78). Ce serait alors par la Puissance vivificatrice de Dieu que ces corps « physiques » et animaux passent de la corruption à la vie. Toute la difficulté pour notre compréhension limitée est donc de tenir ensemble ces deux aspects : d’un côté le corps est une émanation de l’âme qui en exprime la qualité, et de l’autre c’est pourtant bien à partir de ces corps que Dieu redonne la vie …

La Révélation semble nous éclairer dans la suite de cette Sourate dont la portée symbolique semble, à mes yeux de néophyte, très « alchymique » :
C’est Lui qui a fait pour vous jaillir de l’Arbre vert le feu dont vous utilisez une flamme. Celui qui a créé les Cieux et la Terre n’a-t-il pas le pouvoir de créer des choses semblables ? Oui, assurément, car Il est le Créateur par excellence, l’Omniscient. Son Ordre est tel, en Vérité, que lorsqu’Il veut une chose Il lui dit : « Sois ! » et elle est. Gloire à celui qui détient en Sa Main la Royauté de toute chose et vers Qui vous serez ramenés ! (Cor. 79-83).

Je serais vraiment enchanté de bénéficier des interprétations des chercheurs qui fréquentent ce site et qui sont sans doute bien plus accoutumés à ce genre de langage symbolique que moi. Voici ce que me suggère ma pauvre compréhension : les choses sont crées « semblables » aux Cieux et à la Terre, ce qui pourrait renvoyer à la notion de l’Homme comme étant « microcosme » à l’image du « macrocosme » universel. L’âme serait donc ce ciel d’où émane et se condense le corps matériel ? Quoi qu’il en soit, la clé de ce qui nous occupe semble bien se trouver avant-tout dans le verset de « l’Arbre vert » : pour tirer « le feu » dont nous puissions utiliser « la flamme » il a forcément fallu que cet Arbre vert meure et s’assèche. On pourrait comprendre qu’il en va de même pour nous, qui devons faire mourir ce corps animal pour que l’âme puisse produire un « corps glorieux » qui serait cette « flamme » à utiliser …

Serait-ce en ce sens que vous entendez la question du corps glorieux comme un problème physique ?

Cela me semblerait tout à fait évident si le Prophète (sA) ne nous avait pas enjoint : « Mourrez avant de mourir ! » et que Jésus fils de Marie (aS) n’avait pas mis en garde contre la fait de « mourir dans nos péchés » (Jn. 8:24). Cette mort « physique » qui conditionne la renaissance du corps pourrait donc être précédée d’une autre mort qui en déterminerait la « qualité » ?
Ce problème qui est « physique » au moment de notre mort ne deviendrait-il pas alors plutôt « spirituel » et « intérieur » durant notre vie ici-bas ?
Au regard de ce qui a été dit plus haut, tout l’enjeux de la Quête de Dieu ne serait-il pas de chercher à perfectionner son âme pour qu’elle produise un corps qui soit le moins animal et le plus « glorieux » possible lorsque l’action inéluctable du Seigneur viendra transformer nos corps putréfiés comme il transforme le bois de l’Arbre vert en feu ?

Pour reprendre l’expression des « deux yeux » d’Ibn ‘Arabî, ne faut-il pas apprendre à utiliser les yeux que nous avons déjà ? apprendre à purifier notre regard et à les « avoir ouverts » comme vous dîtes si bien ? Ne serait-ce pas là une entreprise plutôt « spirituelle », tandis que chercher à manger plus de carottes ou a se faire greffer une nouvelle cornée serait plus strictement « physique » (au sens certainement très limité où je l’entends) ?
Et surtout : l'action spirituelle de la purification de l'âme ne serait-elle pas justement ce qui est de notre ressort, tandis que la transfiguration « physique » n'appartient justement qu'à l'Action de Dieu ?

Veuillez me pardonner pour cette réponse pleine d’épanchement, mais c’est que je trouve l’enjeux du sujet particulièrement « concret » !

Que Dieu vous élève auprès de Lui par Son acquisition de vos prières.
Qu’Il bénisse tous ceux qui cherchent ici à s’abreuver de Sa Présence.
Qu’Il efface de nous ce qui n’est pas le reflet de Sa Face glorieuse !

Amîn

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#64

Cher Pantout,
merci pour vos encouragements. A vrai dire c'est le premier Forum auquel je participe et je le trouve si bien fréquenté !
Quel Oasis béni au milieu du désert hostile de notre quotidien !
Que Dieu fasse germer de cette terre des fleurs qui aillent ensuite ensemencer les vallées arides, et qu'Il fasse tomber sur le monde Sa pluie de Vie et de Miséricorde pour y faire fleurir Son Royaume !

Merci également pour votre contribution. Je vous renvoie à ma réponse à Athanase Lynxe ci-dessus pour la question du corps.

Pour reprendre l'image du potier que vous citez : si c'est la condition de la "chute" qui est ce potier et, à ce que j'en comprends, l'illusion satanique qui en est l'ennemi polluant, quelle serait donc la part active de l'Homme par rapport à cette situation ?
Et donc, cette "manducation" que vous citez serait-elle une action, un effort à produire ? Ou ne serait-elle qu'une Grâce reçue du Très-Haut, en quel cas le rôle de l'Homme resterait purement passif ?

Que Dieu vous bénisse !

Dernière édition: par ibn al-3adam.
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#80

Toutes mes excuses pour la lenteur ainsi que pour la brièveté de ma réponse, ibn al-3adam! Mais sachez que j'ai lu votre message avec beaucoup d'attention.

ibn al-3adam écrit: Mon immense carence en étymologie grecque me fait comprendre la notion de « physique » comme étant liée au monde « sublunaire », comme étant un synonyme de « matériel ».



Les Grecs connaissent une «sainte nature (physis)» ou «nature sacrée», qu'il convient de distinguer de la physis déchue.

ibn al-3adam écrit: Un « corps glorieux » ne serait donc envisageable que procédant d’une « âme glorieuse ».



À cette conclusion, basée sur les citations intéressantes de Molla Sadra, j'ajouterai seulement que le mot grec psyché signifie à la fois «esprit» et «papillon». Dans ce dernier cas, c'est-à-dire quand elle a des ailes, la psyché s'avère bien avoir une nature «en chair». Dans le Phèdre de Platon, Socrate décrit de manière saisissante comment la psyché acquiert des ailes: il s'agit, d'après ce que j'en ai compris, d'un véritable processus physique, corporel, incarné.

ibn al-3adam écrit: L'action spirituelle de la purification de l'âme ne serait-elle pas justement ce qui est de notre ressort, tandis que la transfiguration « physique » n'appartient justement qu'à l'Action de Dieu ?



Personnellement, je ne le pense pas: toute purification véritable et durable demande à mon avis une intervention divine. Il est peut-être du ressort de l'homme de se souiller, plus ou moins, l'esprit et le corps: manger des carottes, “biologiques” ou non, est sans aucun doute préférable à la consommation de crasses; et regarder un film d'horreur me paraît a priori plus préjudiciable que lire un album Tintin! La lecture et la méditation des Écritures saintes, accompagnée de la prière, sont certainement des activités qui préservent l'homme jusqu'à un certain point; mais elles ne suffisent pas, je pense, pour le guérir en corps ou en esprit. Comme pour toute maladie, il faut l'intervention du médecin, voire du chirurgien, par conséquent d'une action manuelle.

Dernière édition: par Athanase Lynxe.
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#82

Cher Pantout,
Lorsque vous dites :

Pantout écrit: C'est bien une chute corporelle, car le corps est un but divin, celui de la parole.


J'ai toujours trouvé étrange ce mystère de la Parole ! Cette Parole, qui est donc un corps subtil, Est-ce aussi ce qu'on appelle le Logos, la Parole de Dieu ou encore le Christ incarné ?

Donc quand on dit qu'il nous faut un "Corps glorieux", c'est une parole que l'on cherche ? Est-ce que c'est l'art de laisser parler le Dieu qui est en nous ? Entend-on par Parole, le fait de savoir parler, ce qui nous différencie des animaux, ? Ou quelque chose de plus subtil ?

Merci d'avance pour vos éclaircissements...
Le Fou du Roi

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#85

Dans le débat qui préoccupe Messieurs (ou Mesdames) Lynxe, Ibn al3Adam, Pantout, et le Fou du Roi, je pense que le verset 45 du livre XXIX du Message Retrouvé apporte un éclaircissement certain.
"Nous ne désirons pas abandonner notre corps pour nous dissoudre dans les limbes du commencement. Nous désirons le purifier et l'affermir avec l'aide de Dieu afin de pouvoir l'habiter pour l'éternité."

Ali

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#86

Merci, Ali Ibn Attâj, de votre réponse, certainement éclairante.

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  • Pantout
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#93

Oui, cher Fou du Roi, je crois que le corps glorieux est celui du Verbe par lequel Tout a été fait. Je crois aussi que les prophètes l'engendrent. Mais les simples croyants peuvent y participer en se l'incorporant.
Le véritable sexe de l'homme est la parole. Mais celle-ci est étouffée par le rut animal si glorifié aujourd'hui. Voilà pourquoi les religions insistent tant sur la pureté nécessaire pour retrouver ce véritable sexe. L'autre, en effet, est beaucoup trop faible et impuissant ...

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#96

Merci beaucoup et pardonnez mon ignorance... j'ai encore du mal à comprendre ceci :

Pantout écrit: le corps glorieux est celui du Verbe par lequel Tout a été fait.


Donc Dieu, lorsqu'il n'y avait encore aucune parole, crée le corps glorieux en parlant ?
Corps glorieux = Verbe ?
Merci

Dernière édition: par Le Fou du Roi.

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#123

Chers amis chercheurs,

pour répondre à Athanase Lynxe qui nous disait :

« Les Grecs connaissent une «sainte nature (physis)» ou «nature sacrée», qu'il convient de distinguer de la physis déchue. »

Doit-on comprendre que le caractère « physique » de la quête engage bien cette dimension sacrée de la physis en tant que « sainte nature », et qu’il ne s’agit pas de s’empêtrer dans les ombres de notre déchéance ?

Mais alors, ces deux natures cohabitent-elles dans un même niveau de réalité ? (Auquel cas il faudrait concevoir un « monde » qui soit composé de ces deux « natures », ce qui constituerait sans doute en soi une troisième nature composée des deux premières) Ou sont-elles deux niveaux de réalités distincts, l’un procédant de l’autre par un « affaiblissement » de la physis sacrée ?

Dans ce sens, j’avoue avoir été frappé par l’ambivalence de l’affirmation suivante d’Athanase :

« (…) quand elle a des ailes, la psyché s'avère bien avoir une nature «en chair». Dans le Phèdre de Platon, Socrate décrit de manière saisissante comment la psyché acquiert des ailes: il s'agit, d'après ce que j'en ai compris, d'un véritable processus physique, corporel, incarné. »

Parlons-nous ici justement de cette physis sainte, et donc d’un corps « glorieux » émancipé des conditions de la génération et de la corruption ?
Cette « incarnation » est-elle le processus, décrit plus-haut par Molla Sadra, de la génération d’un corps par l’âme affranchie de cette physis déchue ?
Ou au contraire s’agirait-il paradoxalement d’un processus qui s’émancipe de la « chair » de ce bas-monde pour mieux y revenir ?

Ici encore, je sens que ma perplexité provient d’abord d’un manque de familiarité avec tout ce vocabulaire …

Dans un autre sens, lorsque Pantout nous dit que :

« le corps glorieux est celui du Verbe par lequel Tout a été fait »

Je comprends alors que le corps glorieux n’émane pas proprement de notre âme, mais qu’au contraire celui-ci est une réalité absolument impersonnelle, puisqu’elle appartient en propre à ce « Verbe » qui a fait « Tout ».

(Comment doit-on d’ailleurs comprendre la majuscule de ce « Tout », puisqu’il apparait forcément amputé du « Verbe » qui le « fait » ? Ce « Verbe » n’est-il pas lui-même « prononcé » par un Autre que lui ? N’est il pas déjà qualifié et donc limité ? En ce sens, ce « Tout » ne serait-il pas forcément très relatif ?)

Mais ce corps glorieux est-il alors proprement impersonnel ?
Est-il partagé par toutes les âmes qui y accèdent et qui perdent par là leur « individualité » dans une extinction-absorbtion ?

Afin d’alimenter notre échange autour de ces questions par un combustible substantiel, j’ai trouvé sur ce site l’excellent article de Caroline Thusybaert La Beauté des Nombres dans l’école de Trithème - Mens sana in corpore sano qui cite des passages de Gérard Dorn très éclairants sur notre recherche (cf. www.arca-librairie.com/les-articles/herm...ano-miroir-d-isis-22 ). Plusieurs explications résonnent d’ailleurs fortement avec le vocabulaire et les « concepts » islamiques auxquels je suis plus habitué.

Ainsi, Caroline Thusybaert nous présente l’anima comme une réalité vacillante :

« L’anima se situe entre le bien et le mal ; elle vacille continuellement (de manière double ou binaire) entre son corps et son animus. Lequel des deux va-t-elle servir ? Elle incarne l'intermédiaire, le médium entre deux extrêmes : le corps très impur et l'animus très pur. Elle est donc mobile. »

Or, ce que les maîtres du Taṣawwuf appellent le Qalb (le « coeur ») est justement qualifié par cette même « mobilité » (la racine Q-L-B signifiant « se retourner ») entre la Nafs (l’âme charnelle émanant du corps et visant à combler ses appétits, responsable de notre illusion individualiste) et le Rûḥ (cet Esprit insufflé par Dieu, source de Vie et de Connaissance, cf. Cor. 38:72, 21:91, etc.). Ce « coeur » est donc l’organe de notre conscience réflexive, cet Anima sans cesse ballotée entre le corps et l’Animus.

(Je renvoie d’ailleurs à l’article Amour et Connaissance : les deux faces du miroir du coeur sur ce site, qui traite plus en détail de cette notion de Qalb dans la tradition islamique : www.arca-librairie.com/les-articles/isla...s-du-miroir-du-coeur )

Suite à cette analogie fort heureuse, les passages de Gérard Dorn semblent à propos pour mieux comprendre les extraits de Molla Sadra cités plus haut et alimenter l’âtre de notre discussion sur la nature du corps glorieux :

« Nos corps peuvent mourir volontairement, alors que la vie naturelle se maintient, et que nos spiritus ou anima se détachent de leurs corps de manière intellectuelle et surnaturelle, sans dissoudre ce qui est physique. Mais c’est contre et au-delà de la nature qu’ils se détachent, par une faculté purement spéculative ou méditative, de même par un châtiment corporel, non seulement en modérant leur appétit mais aussi en le châtrant. Grâce à la conjonction et à l’association du spiritus divin avec l’anima, par le rejet des choses terrestres et par l’étreinte des choses perpétuelles et célestes, les trois finissent par s’unir en Un. »

Dorn nous parle-t-il ici d’aller « contre et au delà de la nature » en tant que physis déchue du corps ? L’enjeu semble en effet de parvenir « à la conjonction et à l’association du spiritus divin avec l’anima », et cela est rendu possible « par le rejet des choses terrestres et par l’étreinte des choses perpétuelles et célestes ». C’est visiblement selon Dorn la condition pour que « les trois finissent par s’unir en Un ».

Peut-on comprendre ici, comme chez Molla Sadra, que c’est en orientant l’âme vers les « choses perpétuelles et célestes » et en rejetant les « choses terrestres » que s’opère l’union de celle-ci avec l’Esprit divin et qu’en retour cet âme « parfaite » revient purifier le corps déchu pour en faire un corps glorieux ?
S’il s’agit toujours de revenir au final dans ce corps, « sans dissoudre ce qui est physique », Dorn semble tout de même nous indiquer que l’opération proprement transformatrice se passe dans un « détachement » du corps.

Cette transformation en trois temps n’est pas sans nous rappeler une doctrine assez célèbre dans le Taṣawwuf et formulée par al-Sulamî (m. 1021). Selon celui-ci, le cheminement vise à transformer l’âme déchue, dominée par ses illusions et ses appétits corporels (cette Nafs que nous évoquions ci-dessus), qu’il appelle l’« âme instigatrice ». Lorsqu’on entre dans la Voie, celle-ci devient une « âme qui ne cesse de se blâmer », c’est à dire que notre conscience s’efforce d’être ramenée au niveau du coeur (ce Qalb que nous évoquions ci-dessus) qui vacille sans-cesse entre l’âme charnelle et l’Esprit divin (Rûḥ) dans un mouvement qui lui permet à la fois de mieux cerner les illusions de la première et la Lumière irradiante du second. Lorsque cette conscience est « parfaite » et que ce Qalb a reconnu son âme et son Esprit — selon le Hadith « Celui qui se connait lui-même (littéralement « celui qui connait sa Nafs ») connait son Seigneur » — alors elle devient une « âme apaisée ». C’est à dire que le Qalb-Anima vacillant n’est plus orienté que vers le Rûḥ-Animus dont il devient le réceptacle purifié. S’il se tourne encore vers la Nafs c’est uniquement pour lui transmettre la Lumière du Rûḥ divin afin qu’elle prenne possession du corps …

C’est bien ce que Dorn semble nous dire :

« Par une telle extraction de la mens hors du corps (que certains appellent la mort volontaire), l’anima et l’animus, joints ensemble, acquièrent la puissance et la domination sur leur corps »

S’agirait-il donc ici, comme dans le Hadith cité plus-tôt, de « Mourir avant de mourir » ?

Dorn affirme en tout cas que ce processus de « séparation volontaire » est bien « l’admirable transmutation des philosophes » :

« C’est bien de cette connaissance que naît la mens et que s’accomplit la séparation volontaire du corps, lorsque l’anima, constatant d’une part la laideur et la mort du corps, et d’autre part la supériorité et la félicité perpétuelle de l’animus, désire se lier à ce dernier (par un souffle divin), en négligeant totalement l’autre, afin de ne plus rechercher que ce qu’elle voit comme réservé par Dieu pour sa gloire et pour son propre salut (…) Voilà l’admirable transmutation des philosophes, du corps en spiritus et de ce dernier en corps, au sujet de laquelle les sages nous ont laissé cette parole : rends le fixe volatil et le volatil fixe, ce par quoi tu auras notre magistère. »

Remarquons ici la ressemblance entre le processus de discrimination entre la Nafs et le Rûḥ effectué par la vigilance du Qalb selon Sulamî et celui décrit ci-dessus par Dorn : « l’anima, constatant d’une part la laideur et la mort du corps, et d’autre part la supériorité et la félicité perpétuelle de l’animus, désire se lier à ce dernier (par un souffle divin), en négligeant totalement l’autre, afin de ne plus rechercher que ce qu’elle voit comme réservé par Dieu pour sa gloire et pour son propre salut ».

Ou selon un autre passage :

« La vraie sagesse consiste à séparer ce qui est bon (anima) de ce qui est mauvais (corpus), et à unir ce qui est bon (anima) avec ce qui est meilleur (animus) »

Pour en revenir à notre discussion sur la dimension « corporelle » de la Quête, devons nous comprendre qu’il s’agit de passer d’abord par un détachement-affranchissement (« rendre le fixe volatil »), qui est la condition du « processus physique, corporel, incarné » que nous décrivait Athanase Lynxe, qui viendrait seulement ensuite (« rendre le volatil fixe ») ?

Si le « magistère » se réalise bien « en chair », il ne semble pas envisageable sans cette étape :

« Nous concluons de tout cela que la philosophie spéculative consiste dans le surpassement du corps, une fois l’union mentale réalisée. Cependant cette première union ne fait pas encore un sage, mais seulement un disciple mental de la sagesse. C’est la seconde union de la mens avec le corps qui produit un sage qui espère et attend la troisième union, achevée celle-là, et béate, avec l’unité première »

Enfin, une autre analogie frappante entre Dorn et le Taṣawwuf est la place de l’Amour dans cette transmutation :

« C’est évidemment d’abord de la terre de ton corps qu’il faut faire une eau. Autrement dit, que ton cœur de pierre, terreux et inactif, soit rendu mou et éveillé à atteindre la connaissance de son Dieu et de soi-même. Ainsi, les images et les contemplations du spiritus pourront bien être imprimées en lui, comme les caractères du sceau dans de la cire. Ensuite, de cette eau, qu’on fasse un air. En d’autres mots : fais-la monter en haut dans le ciel, vers celui qui a créé ton cœur contrit et humilié, à l’instar d’un air qui tend toujours au plus haut. En priant, frappe pour qu’on t’ouvre le génie afin qu’il comprenne les choses qui sont de Dieu. Finalement, que se fasse de cet air un feu. C’est-à-dire, que tout désir de ton cœur déjà sublimé se convertisse en amour (auquel on compare le feu à cause de son ardeur) de Dieu et de ton prochain ici sur terre, de sorte que cette flamme ne s’éteigne jamais. De cela même s’ensuivra que, par analogie, ton binaire (à savoir ton spiritus et ton corps) sera parfaitement joint en un ternaire unique, par les trois degrés du quaternaire, comme tu l’as entendu »

Dans ce magnifique extrait, il indique en effet que si c’est « d’abord de la terre de ton corps qu’il faut faire une eau », il s’agit bien de commencer par « ton cœur de pierre, terreux et inactif » afin qu’il devienne « mou et éveillé à atteindre la connaissance de son Dieu et de soi-même ». Je vous laisse apprécier les échos avec la doctrine de Sulamî et le Hadith évoqués plus haut, ainsi qu’avec
la façon dont le Coran qualifie la déchéance de « ceux dont le cœur est malade, ceux au cœur endurci » (Cor. XXII:53). Je renvoie encore une fois aux éléments rapportés à ce propos dans l’article Amour et Connaissance : les deux faces du miroir du coeur, www.arca-librairie.com/les-articles/isla...s-du-miroir-du-coeur .

J’espère ne pas vous avoir ennuyés avec ces trop longues considérations, mais je tenais à partager avec vous mon enthousiasme à la lecture de ces passages de Gérard Dorn. Je tiens encore à remercier Caroline Thuysbaert pour son remarquable article.

Très cordialement,

que la Paix et la Bénédiction de Dieu soit sur vous !

Dernière édition: par ibn al-3adam.
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#125

Chers chercheurs, et cher Ibn-3Adam en particulier,
Ce forum est passionnant et Ibn-3Adam pose des questions qui nous forcent à réfléchir... Merci à lui pour ces interventions passionnantes.
D'abord sur l'incarnation. On dit que le corps glorieux est de chair. Cette chair n'est certainement pas la matière charnelle que nous connaissons et qui est crasse et épaisse. Il nous est très difficile d'imaginer une matière subtile, et pourtant charnelle. Ainsi, la parole est un corps subtil, et pourtant matériel, puisqu'il touche le tympan. La "sainte nature" n'est donc pas la nature déchue... mais n'est-elle pas une partie de la nature déchue purifiée ? Ainsi Emmanuel d'Hooghvorst dit dans son Fil de Pénélope (I, ancienne édition, p. 73) à propos de Circé qui transformait les compagnons d'Ulysse en porcs : "La nature de ce monde, Circé, devient, sans bonne chymie, une femme mauvaise et traîtresse. Mais unie à l'or, elle devient, nous le verrons, une amante fidèle et une muse intelligente." N'y a-t-il donc pas en nous quelque chose de divin (Platon aurait dit : l'âme immortelle, parcelle divine) qui est mêlé à la crasse de ce bas-monde ? Avec l'intervention d'Hermès et de sa fameuse plante Môly, on peut régénérer cette partie. Je ne comprends pas bien ce mystère... puisque je ne l'ai pas vécu. Mais il me semble qu'en plus de cette parcelle divine en nous, une autre chose (serait-ce la psyché ?) qui a une base corporelle se régénère et s'unit à cette parcelle divine (qui serait le nous)? J'en conclurais donc que le corps glorieux est particulier à chacun et pourtant de même "nature" pour tous. Est-ce que cela permettrait de mieux comprendre le verset du Message Retrouvé de Louis Cattiaux, XVIII, 1 "Ce jour-là, nous serons plusieurs en un même corps et en un même esprit, et le mystère de la communion dans le sein de l’Unique sera révélé aux croyants, sans qu’ils sachent le pourquoi ni le comment de l’union sainte." Je me suis toujours demandé si "un même corps" "un même esprit" signifiait une indifférenciation ou non ? Louis Cattiaux, un jour, a écrit que nous serons comme des briques baignant dans de l'huile... Les briques sont donc individualisées, mais l'huile est la même pour tous !
J'espère ne pas avoir raconté trop de bêtises........
Je lis la suite de l'article et médite une autre réponse !

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#126

Chers Tous,
Gérard Dorn est en effet un auteur passionnant ! On se sent fier d'être Belge.... et merci à ceux qui nous font connaître cet auteur, jusqu'à présent trop négligé. Je remercie chaleureusement Ibn-3Adam d'avoir mis deux articles en relation : Dorn et le mystère du Qalb dans la tradition islamique. Cette confrontation entre tradition me paraît un excellent exercice et cela m'a fait tout de suite penser à la lettre 29 de Louis Cattiaux (dans son florilège cattésien, publié dans Croire l'Incroyable, aux éditions Beya) : "Ne voulez-vous pas concentrer en une page écrite les conditions
d’initiation des Peaux-Rouges et ensuite, ajouter celles de Jésus-Christ ? Cela sera très curieux et très instructif. Il faudrait aussi rapprocher ce que disent et ce que font Osiris - Ahura Mazda - Krishna - Asclépios - Aton Râ... Je vous demande ce travail de confrontation au sujet d’Osiris, de Christ et des autres fils de Dieu afin d’avoir un sujet de méditation à donner à tous ces chrétiens orgueilleux qui me lancent le sang de Christ à la tête sans même soupçonner de quoi il s’agit et qui me parlent constamment de la vérité de Jésus-Christ et de la fausseté des autres
fils de Dieu, ce qui relève d’un sectarisme et d’une ignorance pénibles et aveuglants au possible. Les bonnes intentions, la sincérité, et l’ivrognerie ne peuvent en aucun cas excuser l’ignorance."
Ceci cité à titre d'exemple...
Venons-en aux trois composantes de l'homme. Il faut "mourir avant de mourir", dit Ibn-3Adam. Le Message Retrouvé déjà cité dit dans le VII 5' : " Prions pour arriver à la mort du monde, déjà morts au monde." Mais comment mourir philosophiquement ? Comment séparer l'esprit du corps ? Comment rendre le fixe volatil ? Je me demande si ce n'est pas là le grand mystère, que Moïse décrit dans la Genèse quand Dieu a séparé Eve d'Adam. Il lui a provoqué un sommeil profond, appelé en grec "exstasis". Que se passe-t-il lors de cette opération ? Peut-on le dire tant qu'on ne l'a pas vécu. Saint Paul lui-même écrit, au début du chapitre 12 de sa deuxième lettre aux Corinthiens : "Je sais qu’un fidèle du Christ, voici quatorze ans, a été emporté jusqu’au troisième ciel – est-ce dans son corps ? je ne sais pas ; est-ce hors de son corps ? je ne sais pas ; Dieu le sait – ; mais je sais que cet homme dans cet état-là – est-ce dans son corps, est-ce sans son corps ? je ne sais pas, Dieu le sait –"
Evidemment, si même saint Paul ne sait pas exactement ce qui se passe.... comment pourrions-nous le savoir !?
Dorn dit "ton cœur de pierre doit être rendu mou". Y a-t-il un autre moyen pour amollir une pierre que de la soumettre à un feu violent, qui a peut-être la propriété de séparer le pur de l'impur ? Cette matière impure qui doit être consumée me rappelle un passage passionnant de Fabre du Bosquet (Concordance Mytho-physico-cabalo-hermétique) aux pages 40 à 43 (j'ai parfois résumé) : "La matière de l'art sacerdotal est un limon composé de terre et d'eau, c'est-à-dire de deux substances dont l'une est fixe et l'autre volatile (Osiris, feu caché ; Isis, principe passif ; ...) Ils y en ajoutèrent un troisième à qui ils donnèrent le nom de Typhon qu'ils supposèrent être leur frère utérin, parce que les substances hétérogènes radicales et célestes que représentaient Isis et Osiris doivent au ciel leur origine et que les esprits hétérogènes, impurs, accidentels et terrestres désignés par Typhon sont les vapeurs de la terre qui dans la fiction est leur mère commune. Quelque exécration que la théologie égyptienne ait vouée à Typhon, il n'en est cependant pas moins vrai que sans lui Isis et Osiris ne pourraient être congelés et rendus sensibles, en sorte que c'est à cette déité impure que les sages doivent la connaissance de leur première matière qui sans cette cause de condensation demeurerait invisible et impalpable comme elle l'est dans l'air. (... À la fin) ils sont débarrassés des principes de destruction et de mort qui sont le Typhon, le phlogistique ou les vapeurs de la terre qui les avaient condensés. (...) Vulcain fit un rets qui enveloppa Mars et Vénus parce que les vapeurs ou le phlogistique qui enveloppent sans cesse le feu central sont le filet qui enchaîne Mars et Vénus. Ce filet est la même substance que Typhon qui condense Isis et Osiris."
J'avoue ne pas comprendre tout dans cette citation, mais elle doit certainement contenir quelques réponses à nos questions.
Il me semble d'ailleurs que si on voulait comparer cette Concordance, l'enseignement de Dorn et du Qalb coranique, on découvrirait bien des parallèles...
Que le Seigneur tout puissant qui nous entend réalise cette prière du Message Retrouvé, livre IV 80. "Dieu vit et attend dans chacun de nous. Il suffit de mourir au monde et à soi-même pour l’entendre et pour le voir aussitôt."
Merci à tous en pardonnez-moi tout ce qui ne serait pas approuvé par l'En-Haut !

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#128

Je suis un peu embarrassé de répondre brièvement aux messages bien plus développés d'ibn al-3adam et de Thalie, remplis de citations passionnantes, mais aussi de questions très pointues qui dépassent mes connaissances.

Je me borne donc ici à un seul point de la discussion, un point cependant capital, je crois, qui semble être la clef permettant d'élucider toutes les autres questions: cette fameuse mort qu'on appelle «initiatique», si mystérieuse, et sur laquelle même Paul reste discret. Socrate y fait allusion dans les derniers instants de sa vie, quand, condamné à boire la ciguë, il discute en prison avec ses disciples. Il déclare (Platon, Phédon, 64a):

Il y a bien des chances que ce soit à l'insu des autres hommes que tous ceux à qui il arrive de s'attacher correctement à la philosophie, ne s'appliquent à rien d'autre qu'à mourir et à être morts.



Cette phrase suscite l'hilarité de Simmias, un des disciples. En considérant l'exécution prochaine de Socrate, dit-il, la plupart des gens affirmeraient sans doute, avec une pointe d'ironie: «Oui, vraiment, ceux qui philosophent cherchent à mourir, et nous voyons bien qu'ils méritent ce sort!» La réponse de Socrate est cinglante:

Et ils diraient vrai, Simmias, sauf sur ce point: qu'ils le “voient bien”. Car ils ne voient pas de quelle manière cherchent à mourir, de quelle manière méritent la mort, et quel genre de mort, les véritables philosophes!



Cela ne résout pas l'énigme, mais on devine que toute l'énigme à résoudre est là.

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