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  • Henri-Corneille Agrippa | La Philosophie occulte ou la magie (tome 3) | Paris, Éditions Traditionnelles, 1986
Écrit par : Henri-Corneille Agrippa
Titre :  La Philosophie occulte ou la magie
Date de parution : 1986
Éditeur : Éditions Traditionnelles

   

Agrippa, Henri-Corneille, La Philosophie occulte ou la magie, tome 3, Paris, Éditions Traditionnelles, 1986.


Le troisième volume de La Philosophie occulte est certainement le plus intéressant. Consacré à la Magie Cérémonielle, il décrit premièrement la véritable religion ­­– à distinguer de la superstition ­– ; aborde de nombreux thèmes théologiques chrétiens, comme la Trinité, juifs, comme les fameuses sephirot, païens, comme le rôle des dieux gréco-romains. Il s’attarde ensuite longuement sur la description et classification des différents daïmons, anges, génies et esprits, qui habitent les diverses parties du monde et avec lesquels l’homme peut entrer en contact. Il traite encore toute une série de thèmes existentiels, tels quel les différentes parties qui constituent l’homme, la possibilité pour la divinité de parler en lui et le sens des observances religieuses.

 « Car c’est le sentiment de tous les mages, que si l’esprit et la pensée ne sont en bon état, le corps n’y peut pas être ; que l’homme est véritablement sain quand l’âme et le corps sont si bien unis et si bien d’accord que les forces de l’esprit et de la pensée ne soient pas inférieures à celles du corps. » (p. 1-2)

« Je vous découvrirais les mystères s’il m’était permis de vous les dire, et je vous en donnerais la connaissance s’il vous était permis de m’écouter, mais moi qui parlerais et vous qui m’écouteriez, nous serions également punis de notre téméraire curiosité. » (p. 5)

 « Je veux de plus, au commencement de ce livre, vous avertir de ce point d’importance qui est, que de même que les divinités détestent les choses exposées au public et profanées et qu’elles aiment au contraire les secrètes, ainsi toute expérience de Magie abhorre le public, veut être cachée, se fortifie par le silence, mais se détruit par la déclaration, et l’effet complet ne s’ensuit point ; car on perd tous ces avantages en les exposant aux babillards et aux incrédules. Il faut donc qu’un opérateur en fait de magie, s’il veut en profiter, soit secret et qu’il ne dise à personne ni son œuvre, ni le lieu, ni le temps, ni ce qu’il désire, ni sa volonté, sinon à son maître, à son coadjuteur, ou associé qui devra être aussi fidèle, crédule, taciturne et digne de cette science, ou par nature ou par instruction ; parce qu’aussi le trop parler même d’un associé, son incrédulité et son indignité empêchent l’opération et font avorter l’effet. » (p. 7)

 « Car cette faculté requiert dans l’homme une admirable dignification ; il n’y a que l’intellect même qui est en nous la plus souveraine intelligence de l’âme, qui puisse opérer seul les œuvres miraculeuses ; s’il est trop engagé dans le commerce de la chair et possédé par l’âme sensible du corps, il n’obtiendra aucun pouvoir des substances divines : c’est ce qui est cause que bien du monde cherche cet art sans le trouver. » (p. 8)

 « J’entends cette espèce de superstition principalement qui a une certaine ressemblance de religion, laquelle en tant qu’elle imite tout ce qu’il y a dans la religion à l’égard des miracles, des sacrements, des cérémonies, des observances, et de toutes autres solennités, produit une puissance non petite, et ne tire pas moins de force de la crédulité de l’officiant. Nous avons remarqué au premier livre jusqu’où pouvait aller la puissance d’une ferme crédulité, et c’est chose fort notoire dans le vulgaire. La superstition demande donc la crédulité, de même que la religion requiert la foi. La crédulité constante a tant de pouvoir qu’elle opère, et fait des miracles, dans les opinions et les opérations fausses ; car toute personne, en sa religion quoique fausse pourvu qu’elle la croie véritable, élève son esprit selon la force même de sa crédulité jusqu’à ce qu’il soit devenu conforme aux esprits qui sont les chefs et les maîtres de la même religion, et qu’elle fasse des œuvres où la raison et la nature ne voient rien. L’hésitation de la crédulité et la défiance, non seulement dans la superstition mais encore dans la véritable religion, rabattent la force de toute œuvre de Magie, et retirent toute la vertu de l’effet qu’on cherche, même dans les plus fortes expériences. Vous voyez par des exemples comment la superstition contrefait la religion, à savoir, l’excommunication de la vermine et des sauterelles pour empêcher qu’elles ne fassent mal aux blés, le baptême des cloches, des images, et plusieurs autres. » (p. 14-15)

 « Mais personne ne peut opérer par la vertu de la religion pure et seule que celui qui est devenu tout intellectuel, de la nature des intelligences. Quiconque opère par la religion seule, sans le concours des autres vertus, est absorbé et consommé par la divinité, et ne pourra pas vivre longtemps ; et quiconque s’approchera sans être purifié, attirera sur lui la condamnation, et sera livré pour être dévoré au malin esprit. » (p. 20)

 « Car du père, ainsi que d’une première source, émanent toutes choses ; dans le fils, comme dans une piscine, sont placées toutes choses par ses idées ; par l’esprit saint, toutes choses sont expliquées et distribuées, chacune selon son propre rang. » (p. 30)

« Quoique dieu soit en trois personnes d’une essence unitissime, néanmoins nous ne doutons pas qu’il n’y ait en lui certaines divinités en grand nombre, que les philosophes des gentils ont appelé des dieux, les docteurs des hébreux, des numérations, et nous, des attributs ; comme la sagesse, qu’Orphée appelle Pallas ; l’intelligence, qu’il appelle Mercure ; la production de la forme qu’il appelle Saturne ; la force procréatrice qu’il appelle Neptune ; la nature secrète des choses qu’il appelle Junon ; l’amour, qu’il appelle Vénus ; la vie lucide, qu’il appelle le Soleil ou Apollon ; la raison du monde universel, qu’il appelle Pan ; quant à l’âme, il la chante sous ces trois noms de Mars, de Neptune et d’Oceanus, comme produisant les créatures de ce bas monde, contemplant les êtres supérieurs, et faisant retour en elle-même. » (p. 33)

« C’est pourquoi le divin Platon, dans le Cratyle et le Philèbe, commande qu’on ait du respect pour les noms divins plus que pour les temples et les statues divines, parce que l’image et la vertu de dieu est plus expressive dans la fonction de l’esprit, principalement quand il est inspiré divinement, que celle qui est conservée dans les œuvres des mains. Les paroles sacrées n’ont donc pas d’elles-mêmes, en tant que paroles, leur force dans la bouche des magiciens, mais elles l’ont par la puissance occulte des divinités, laquelle opère par leur vertu dans les esprits de ceux qui s’y sont attachés par la foi. La vertu secrète de dieu par ces noms divins, comme par des véhicules, est transférée dans ceux qui ont des oreilles pour entendre, qui sont devenus le temple et la demeure de dieu, et purgés par le mérite de la foi, par la grande pureté des mœurs et par l’invocation des dieux, et qui se sont rendus capables de recevoir ces divines émanations. » (p. 43-44)

« Mais ni les hommes, ni les anges ne savent point le vrai nom de dieu, et il n’y a que lui seul qui le connaisse, et il ne sera pas publié, comme parlent les écritures, auparavant que la disposition de toutes choses, pour recevoir dieu, soit pleine ou entière. » (p. 49)

 « Platon croit que les hommes font souvent d’étonnants prestiges, étant instruits par ces sortes de daïmons, de la même manière que certaines bêtes ordinaires parmi nous, telles que les singes, les chiens, les éléphants, par l’instruction des hommes font des choses surprenantes et au-dessus de la portée de leur espèce. » (p. 70)

« Voici le jugement qu’Origène a fait des daïmons : Si les daïmons, qui de leur propre volonté ont conjointement avec leur chef le diable quitté le service de dieu, avaient commencé peu à peu à venir à résipiscence, ils auraient pris chair humaine, en sorte que dans la suite moyennant cette pénitence, tenant la même route après la résurrection qu’ils avaient tenue pour prendre chair humaine, ils auraient pu revenir de leur exil à la vision de dieu, et être délivrés alors de corps éthérés et aériens, et toutes les puissances du ciel, de la terre et des enfers auraient fléchi les genoux prosternées devant dieu, pour faire que Dieu soit en toutes choses en tous. » (p. 81)

 « De plus, le Divin Irénée approuve le sentiment de Justin le martyr, qui avait dit que Satan n’a osé en aucune partie du monde blasphémer contre dieu, auparavant la venue du seigneur sur la terre, parce qu’il ignorait encore sa damnation. » (p. 81)

« Car l’homme a le pouvoir en main de prendre le parti qu’il veut et de vaincre qui il veut, et s’il a une fois le dessus de son ennemi, le daïmon devient son esclave, et vaincu qu’il est il n’en peut pas attaquer un autre, de même qu’une guèpe qui n’a plus d’aiguillon. » (p. 87-88)

« Mais comme en chaque région il y a de toutes sortes d’esprits et de daïmons néanmoins ceux-là sont plus puissants que les autres qui sont du même ordre qu’est le président de cette région. Ainsi dans la région du soleil les esprits solaires sont plus forts que les autres esprits, dans la région de la lune, les esprits lunaires, et semblablement des autres ; de là vient, et nous nous y conformons, que quand nous changeons de lieux et de provinces il se présente et s’ensuit différents événements dans nos choses et nos affaires ; ici ou là plus fortunés, selon que le daïmon notre génie aura reçu plus de puissance, ou que nous aurons gagné un plus puissant daïmon du même ordre. » (p. 92)

 « Il n’y a point d’homme sur terre qui n’ait comme Gardien un triple et bon daïmon : l’un est sacré, le second est de la naissance, et le troisième est de la profession. Le Daïmon sacré, selon la doctrine des Egyptiens, ne vient point des astres ni des planètes, mais d’une cause supérieure, du dieu même maître des esprits, qui l’a assigné à l’âme rationnelle dans sa descente ; cet esprit est universel, au-dessus de la nature. C’est lui qui est le directeur de la vie de l’âme, et qui présente toujours les bonnes cogitations à la pensée, agissant en nous sans cesse et nous communiquant la lumière, encore que nous n’y prenions pas toujours  garde ; mais quand nous sommes lavés de nos péchés et que nous menons une vie tranquille, alors nous le reconnaissons, il s’entretient presque avec nous et nous fait entendre sa voix quoiqu’auparavant il gardait le silence en notre présence, et tâche sans cesse à nous faire arriver à la perfection sacrée. Nous pouvons ainsi moyennant l’aide de ce daïmon détourner la malignité du destin, et si nous l’honorons religieusement par les bonnes œuvres et la sainteté de notre vie, comme nous savons que Socrate a fait, les platoniciens croient qu’il nous donne un merveilleux secours tant par songes que pas signes, en détournant les maux dont nous sommes menacés, et en nous procurant et conservant les biens avec un grand soin : c’est pourquoi les pythagoriciens chantant leurs hymnes, prient d’ordinaire Jupiter qu’il les garde du mal ou qu’il leur enseigne quel daïmon peut le faire. Le second Daïmon est de la géniture ou naissance, qui s’appelle aussi génie ; celui-ci nous vient de la disposition du monde, et du tournant des astres qui passent lors de la naissance. Il y a des auteurs qui croient que l’âme sur le point de descendre dans le corps se choisit ce gardien du chœur des daïmons, et qu’elle n’est pas tellement maîtresse de le choisir pour son conducteur, qu’il ne faille encore de son côté qu’il la veuille bien prendre en tutelle. Cet esprit est l’exécuteur de la vie et le conservateur, il la concilie avec le corps, et en a soin après l’avoir communiquée au corps, et il aide l’homme à s’acquitter de l’office à quoi les puissances célestes l’ont destiné en naissant. Par conséquent, tous ceux qui ont reçu un génie heureux sont vertueux dans leurs œuvres, capables, forts et prospères ; c’est pour cette raison que les philosophes les appellent bien fortunés ou bien nés. Le Daïmon de la profession est donné par les astres qui président à la profession ou secte à laquelle appartient un homme, et l’âme le choisit tacitement lorsqu’elle commence à user d’élection et qu’elle a pris une règle de vie. Ce daïmon change lorsque le changement de profession arrive ; alors selon la dignité de la profession, on reçoit des daïmons de profession plus dignes et même d’un plus haut ordre, qui prennent soin successivement de l’homme qui s’adjoint progressivement tel et tel gardien de profession à proportion qu’il monte de vertu en vertu. Quand donc notre emploi convient à notre nature, nous sommes assistés d’un semblable daïmon de profession qui s’accorde avec notre génie particulier, et notre vie devient plus tranquille, plus heureuse et plus prospère ; mais quand nous nous engageons dans une profession qui ne revient pas à notre génie, qui même lui déplaît, notre vie n’est qu’une peine et travail, et est traversée par des patrons qui ne s’accordent pas. » (p. 94-96)

 « C’est ainsi que les platoniciens disent que Socrate percevait son daïmon par le sens, mais non pas par le sens de ce corps que nous possédons, mais par le sens d’un corps éthéré, caché dans le corps humain ; voilà aussi la manière avec laquelle Avicenne croit que les prophètes voyaient et entendaient les anges. Cet instrument, de quelque qualité que soit cette vertu par laquelle un esprit fait connaître à un autre esprit ou à l’homme les choses qui roulent dans sa pensée, s’appelle selon l’apôtre Paul, la langue des anges. » (p. 98-99)

 « Dieu étant l’excellence de toutes les excellences, comme dit Trismégiste, a fait deux images qui lui sont semblables, à savoir, le monde et l’homme, dans l’un desquels il s’est proposé de se faire un jeu de ses merveilleuses opérations, et dans l’autre, d’y prendre sa jouissance ; comme il est un, il a créé un monde ; comme il est infini, il a créé le monde rond ; comme il est éternel, il a créé le monde incorruptible et éternel ; étant immense, il a créé le monde le plus grand de tous ; comme il est la vie même, il a aussi enrichi le monde en semences vitales, capable de produire toutes choses lui-même ; et comme il est tout-puissant, il a de sa seule volonté, sans aucune nécessité de nature, créé le monde, non pas d’une matière préexistante, mais de rien ; et parce qu’il est la souveraine bonté, en embrassant, avec sa parfaite volonté et son amour essentiel, son verbe qui est la première idée de toutes choses, il a fabriqué ce monde extérieur sur l’exemplaire du monde intérieur qui est l’idéel, sans toutefois émettre de l’essence de l’idée, mais il a créé de rien ce qu’il a eu par idée dans l’éternité.  Dieu a pareillement Créé l’Homme à son Image ; car comme l’image de dieu est le monde, ainsi l’image du monde c’est l’homme ; de là vient que quelques-uns croient avoir été dit que l’homme a été créé non pas simplement l’image de dieu, mais à l’image, comme qui dirait l’image de l’image, et que pour cette raison on l’a nommé microcosme, c’est-à-dire petit monde. Le monde est un animal raisonnable, immortel ; l’homme semblablement est un animal raisonnable, mais mortel, c’est-à-dire corruptible. Car comme dit Hermès, le monde étant immortel, il est impossible qu’aucune de ses parties périsse. Et, de même que le vide, le mourir ne se trouve nulle part. Nous ne disons donc pas de l’homme que quand l’âme et le corps se séparent, quelque chose de l’un ou de l’autre périsse ou retourne dans le rien. La véritable image de dieu est en réalité son verbe, sagesse, vie, lumière et vérité, qui existe par lui-même ; et l’esprit de l’homme est l’image de cette image, à raison de laquelle on dit que nous sommes faits à l’image de dieu, et non pas à l’image du monde, ou des créatures. Car comme la main ne peut toucher dieu, l’œil ne le peut voir, ni l’oreille l’entendre, ainsi l’esprit de l’homme ne se peut toucher, ni voir, ni entendre. Et comme dieu est infini et que nul ne le peut contraindre, de même l’esprit de l’homme est libre et ne peut être contraint ni mesuré ; et en outre comme dieu dirige par sa seule pensée tout ce monde et toutes choses contenues en icelui, ainsi l’esprit de l’homme l’embrasse aussi dans sa pensée, et, ce qu’il a seul de commun avec dieu, l’esprit humain meut et gouverne son corps au commandement, de même que dieu meut et gouverne au commandement le monde entier. Il a donc fallu nécessairement que l’esprit de l’homme, ainsi scellé du verbe de dieu, prenne aussi un corps d’homme, pour faire une parfaite image du monde. C’est pourquoi l’homme a été appelé l’autre monde et l’autre image de dieu, car il possède en lui-même tout ce qui est contenu dans le grand monde, si entièrement qu’il ne reste rien qu’on ne trouve pareillement, réellement et véritablement dans l’homme même ; et toutes ces choses y font les mêmes fonctions et offices que dans le grand monde. Les éléments sont en lui selon les véritables propriétés de leur nature. Il y a en lui une sorte de corps éthéré, véhicule de l’âme, qui par proportion représente le ciel. Il y a en lui la vie végétative des plantes, le sens des animaux, l’esprit céleste, la raison angélique et la pensée divine, ainsi que la véritable conjonction de toutes ces choses vers une même fin, et la possession divine. C’est pourquoi l’écriture sainte appelle l’homme toute la créature ; et non-seulement l’homme a été fait comme un second monde, et en contient toutes les parties en soi-même, mais il conçoit encore et contient dieu lui-même. » (p. 153-155)

« Il est vrai que notre voix, verbe et parole, à moins que d’être formée par la voix de dieu, se mêle dans l’air et s’évanouit ; mais le souffle et le verbe de dieu persistent avec le sens et la vie qui les accompagnent. Par conséquent, tous nos discours, toutes nos paroles, tous les souffles de notre bouche et toutes nos voix n’ont aucune vertu en Magie, sinon en tant qu’ils sont formés par la voix divine. » (p. 161)

« L'âme de l'Homme est une certaine lumière divine, créée à l'image du verbe cause des causes et premier exemplaire, la substance de dieu signée de son sceau dont le caractère est le verbe éternel. Encore l'âme de l'homme est une certaine substance divine indivisible, présente en sa totalité à chaque partie du corps, produite par un auteur incorporel de telle nature qu'elle tient tout de la puissance de l'agent et rien du fond de la matière. L'âme est un nombre substantiel, uniforme, retournant sur soi-même et rationnel, d'une condition élevée bien au-dessus de tous les corps matériels, qui ne se divise pas comme la matière, et ne provient pas de choses au-dessous d'elle et corporelles, mais d'une cause efficiente; car elle n'est pas un nombre quantitatif, c'est un nombre indépendant de toutes les lois corporelles, c'est pourquoi elle n'est point sujette à division, ni à multiplication par parties. L'âme est donc une certaine substance divine, émanant des sources divines, et portant le nombre avec elle, non pas ce nombre suivant lequel l'architecte a disposé toutes choses, mais bien le nombre rationnel qui lui permet de tout comprendre par la proportion qu'elle a avec toutes choses. Une telle âme humaine, selon la doctrine des platoniciens, procédant immédiatement de dieu, se joint par des Milieux convenables à ce corps matériel; à cet effet, dès sa descente même, elle se trouve revêtue d'un petit corps céleste et aérien, qu'on appelle le véhicule éthéré de l'âme, ou encore le char de l'âme ; moyennant ce petit corps, par ordre de dieu qui est le centre du monde, elle est infusée d’abord au point médian du cœur qui est le centre du corps humain, et de là se répand par toutes les parties et tous les membres de son corps ; ce qu’elle fait en joignant son char à la chaleur naturelle par la chaleur de l’esprit qu’engendre le cœur, par celle-ci elle s’immerge dans les humeurs, par lesquelles elle s’attache aux membres, et s’avoisine également à tous, tout en se transfusant de l’un à l’autre, de même que la chaleur du feu s’unit à l’air et à l’eau, tout en se portant vers l’eau à travers l’air. C’est ainsi qu’on explique comment l’âme immortelle, par le moyen d’un petit corps immortel, qui est le véhicule éthéré, se trouve enfermée dans un corps grossier et mortel. Mais quand par maladie ou mal, ces milieux se détachent ou se détruisent, alors cette même âme fait un retour sur chacun d’eux et reflue au cœur qui avait été le premier réceptacle de l’âme, et l’esprit du cœur venant à manquer et sa chaleur à s’éteindre, elle l’abandonne, et l’homme meurt ; l’âme s’envole avec ce véhicule éthéré, et sortie du corps, les génies et les daïmons gardiens la suivent et la mènent devant son juge, où après la sentence prononcée, dieu conduit tranquillement les bonnes âmes à la gloire, et le violent daïmon entraîne les mauvaises au châtiment. » (p. 164-165)

« L’âme humaine est composée de Pensée, mens, de Raison, ratio, et d’Eidolon, idolum ; la pensée éclaire la raison, la raison influe sur l’eidolon et toutes ces trois choses ne font qu’une âme. Si la raison n’est point éclairée par la pensée, elle n’est point exempte d’erreur. Mais la pensée ne donne point de lumière à la raison si dieu ne l’éclaire, comme première lumière ; car en dieu est la première lumière qui paraît au-dessus de tout entendement ; c’est pourquoi on ne la peut appeler lumière intelligible, mais quand cette lumière est communiquée à la pensée, elle devient intellectuelle et se peut comprendre ; puis quand elle passe de la pensée à la raison, elle devient rationnelle, et peut non seulement être comprise, mais aussi cogitée. Ensuite quand par la raison elle est répandue dans l’eidolon de l’âme, elle est non seulement cogitable mais aussi imaginable, sans être cependant corporelle ; mais, quand de là elle passe au véhicule éthéré de l’âme, elle commence à devenir corporelle, pas pourtant encore manifestement sensible jusqu’à ce qu’elle ait passé au corps élémental, soit simple aérien, soit composé, où cette lumière devient manifestement visible à l’œil. Les philosophes des Chaldéens, considérant cette marche de la lumière, nous font un grand récit de la puissance de la pensée, comme de quelque chose d’étonnant ; ils disent que la pensée, se fixant de toute son acuité sur dieu, peut être remplie de la divinité, et qu’ainsi remplie de la lumière, et ses rayons passant au travers de chaque milieu jusqu’à ce corps épais, ténébreux, lourd et mortel, elle peut aussi répandre autour de lui une abondante lumière, le rendre semblable aux étoiles, lui donner autant d’éclat, puis, par l’abondance de ses rayons et leur légèreté, l’élever en l’air comme de l’étoupe que la flamme du feu enlève, ou subitement transporter bien loin ce corps comme si c’était un esprit. » (p. 201-202)

« Celui-là s’étonnera moins qui a vu ces fameux mélancholiques qui se promènent en rêvant, passent par des lieux impraticables, montent à des hauteurs inaccessibles, font des ouvrages comme s’ils étaient éveillés, et que des personnes éveillées ne pourraient pas faire ; ce dont on ne trouve point d’autre raison dans la nature qu’une imagination forte et débordée. Cette vertu est dans tout homme, et elle est dans l’âme humaine depuis l’origine de la création, mais selon la diversité des hommes elle varie, et est forte ou faible ; elle augmente ou diminue, avec l’exercice et l’usage, par lesquels elle est extraite de puissance en acte. Celui qui connaît bien ce mystère peut s’élever en connaissance jusqu’à ce que sa force imaginative prenne le dessus et se joigne avec la force universelle qu’Alchindus, Bacon et Guillaume de Paris nomment le sens de la nature, Vergile, le sens éthéré, et Platon le sens du véhicule ; alors se répand sur elle cette vertu éthérée et céleste, qui la fortifie par sa splendeur jusqu’à ce qu’il conçoive les espèces, les notions et la science des choses vraies, de telle sorte que ce qu’il aura conçu dans sa pensée, arrive comme il l’a conçu, et qu’il acquiert une si grande puissance qu’il puisse se plonger, se joindre et s’insinuer dans les esprits des hommes et les rendre certains de ses conceptions, de sa volonté et de son désir, même à de très grandes distances, comme s’ils les saisissaient par leurs propres sens sur l’objet présent, et puisse faire en peu de temps beaucoup de choses comme si elles étaient faites hors du temps. Mais cela n’est pas donné à tous ; c’est le privilège de ceux dont la force imaginative et cogitative est très forte et parvient au but de sa spéculation ; un tel homme est capable de concevoir et d’annoncer toutes choses par la splendeur de la vertu universelle, ou intelligence et conception spirituelle qui est au-dessus de ses forces naturelles ; et c’est cette vertu nécessaire qu’il faut suivre et à laquelle doit obéir tout homme qui cherche la vérité. Si donc la vertu de l’imagination est si grande qu’elle puisse s’insinuer où elle veut, sans qu’aucune distance de lieu ni de temps l’en empêche, et que parfois elle entraîne avec elle le corps pesant là où elle songe et imagine, il est hors de doute que la puissance de la pensée sera plus grande lorsqu’elle réalisera sa nature, qu’elle ne sera plus appesantie par les attaches des sens et qu’elle se maintiendra incorruptible et semblable à elle-même. » (p. 202-203)

 « La Pensée, parce qu’elle vient de dieu ou du monde intelligible, est immortelle et éternelle ; la Raison céleste est de longue durée par le bénéfice de son origine venant du ciel ; mais l’Eidolon parce qu’il sort du sein de la matière et qu’il dépend de la nature sublunaire, est sujet à la mort et à la corruption. L’âme donc, est immortelle par sa pensée, de longue durée par la raison dans son véhicule éthéré, mais résoluble à moins que d’être restaurée dans le circuit d’un nouveau corps ; elle n’est donc pas immortelle sans l’union avec la pensée immortelle, mens ; de même l’eidolon de l’âme, soit l’âme elle-même sensible et animale, parce qu’elle est tirée du sein de la matière, périt avec le corps lors de la résolution de celui-ci, ou l’ombre ne reste pas longtemps dans les vapeurs de résolution de son corps, ne participant en rien à l’immortalité, à moins qu’elle-même ne soit aussi unie à quelque puissance plus élevée. Cette âme donc qui est unie à la pensée se nomme l’âme stable et qui ne tombe point ; mais tous les hommes n’ont pas acquis cette pensée, puisque, comme dit Hermès, dieu le père a voulu la proposer comme combat et prix des âmes, et ceux qui négligent de combattre, privés de la pensée, esclaves des sens de leurs corps, devenus semblables aux animaux sans raison, ont le même genre de mort qu’eux. » (p. 207)

« Alors l’âme, ainsi changée en dieu par l’amour et élevée au-dessus de la sphère intellectuelle, outre qu’elle a acquis par la pureté de sa vertu l’esprit de vaticination et de prophétie, fait quelquefois des œuvres plus merveilleuses et plus grandes que la nature du monde, et telle œuvre s’appelle miracle. Car de même que le ciel par son image, sa lumière et sa chaleur fait des choses que la force du feu n’accomplit pas par sa qualité naturelle (ce qui se voit clairement dans les opérations de l’alchimie et par l’expérience même), de même aussi dieu par son image et sa lumière, accomplit des choses que le monde ne peut pas faire par sa vertu innée : or l’image de dieu c’est l’homme, du moins celui qui déjà semblable à dieu par la furor de Vénus, ne vit que par la pensée, le cœur rempli de Iove. L’âme de l’homme, selon les docteurs hébreux et les cabalistes, est définie comme une lumière de dieu, créée à l’image du verbe premier exemplaire de la cause des causes, substance de dieu, figurée par un sceau dont le caractère est le verbe éternel. Ce que considérant, Hermès Trismégiste dit que l’homme est de telle condition qu’il dépasse les habitants du ciel, ou que du moins il est en possession d’un même sort. » (p. 223)

 « Et il [Aristote] pose au livre de ses secrets, que l’entendement bon et sain peut entrer dans les secrets de la nature, moyennant le concours et l’influence de la vertu divine, autrement rien. Or nous recevons cette influence seulement lorsque nous nous délivrons des empêchements aggravants, des occupations charnelles et terrestres, et de toute agitation externe ; car un œil chassieux et souillé ne peut pas regarder les choses trop lumineuses, et celui-là ne pourra comprendre les choses divines qui ignore la purification de l’esprit. Il faut que ces quelques-uns parviennent pas à pas et comme montant de degré en degré à cette pureté d’esprit ; car un quelconque nouvellement initié à ces mystères ne comprend pas aussitôt toutes choses clairement,  nous devons accoutumer peu à peu notre esprit, jusqu’à ce que l’entendement prédomine en nous, et que s’appliquant à la lumière divine, il se mêle avec elle. » (p. 237-238)

 « Mais le véritable sacrifice qui purifie l’homme et l’unit à dieu, est de deux sortes : le premier est celui que le souverain Pontife le CHRIST a offert en rémission des péchés, purifiant tout par le sang de sa croix ; l’autre, par lequel l’homme s’offre lui-même, pur, immaculé, en hostie vivante à dieu, à l’exemple du souverain prêtre le CHRIST, qui s’est offert lui-même et nous a enseigné à nous offrir avec lui comme il s’est offert lui-même, en disant du sacrement de son corps et de son sang : faites ceci en mémoire de moi ; c’est-à-dire, afin que nous mortifiant avec lui, vivifiés en esprit par la passion du corps mortel, nous nous offrions avec lui. Touchant quoi Porphyre dit : travaillons à offrir en sacrifice la sanctification de notre vie ; car personne ne peut être un bon prêtre de dieu, que celui qui se présentant lui-même comme hostie, édifie son âme elle-même comme une sorte d’image, et fait de sa pensée et de son intelligence un temple où il puisse recevoir la lumière divine. Quant aux sacrifices externes, dit Héraclite, ce sont des remèdes pour les âmes, ordonnés par le souverain médecin ; car le mauvais daïmon possède l’homme, dit Proclus, jusqu’à ce qu’il soit purifié par les sacrifices. Les sacrifices sont donc requis pour fléchir dieu et les puissances célestes, et pour purifier l’homme qui porte l’image de dieu et du monde. Mais notre seigneur Jésus Christ, vrai pontife et souverain prêtre, a renfermé tout sacrifice dans le seul pain et vin, comme étant une substance première de la nourriture de l’homme ; nous n’avons plus besoin d’immoler aucun animal, ni autre chose, ni de répandre du sang, pour nous purifier, nous qui avons déjà été parfaitement purifiés dans son sang. » (p. 258)

 « De là vient que le divin Platon, dans le onzième livre des lois, recommanda d’honorer les statues et les images sacrées des dieux, non pas pour elles-mêmes, mais parce qu’elles nous représentent les dieux, de même que les anciens vénéraient la représentation de Jupiter en l’interprétant ainsi ; car ce que la statue porte de l’homme signifie que c’est la pensée qui produit tout par manière séminale ; il est assis pour représenter la vertu stable et immuable ; il est nu et découvert par le haut, parce qu’il est visible aux intelligences et aux êtres supérieurs ; il est couvert par le bas, parce qu’il est caché aux créatures inférieures ; il tient son sceptre à gauche, parce que l’on trouve dans ces parties du corps le domicile de la vie le plus spirital ; intellect créateur, il est le roi et l’esprit vivifiant du monde ; il porte sur sa main droite un aigle et une victoire : l’un parce qu’il est le seigneur des autres dieux, comme l’aigle l’est des autres oiseaux, l’autre parce que tout lui est soumis. » (p. 273)

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