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  • Apulée | Les Métamorphoses ou L’Âne d’or | Les Belles-Lettres, Paris, 1947
Écrit par : Apulée - P. Vallette (trad.)
Titre : Les Métamorphoses ou
L'Âne d'or
Date de parution : 1947
Éditeur : Les Belles-Lettres
 
 

Apulée, Les Métamorphoses ou L’Âne d’or, Les Belles-Lettres, Paris, 1947, trad. P. Vallette, XXVI + 340 pp.

 

Saluons cette excellente traduction d’un roman qui, quoi que Paul Vallette en dise parfois de moins élogieux dans son Introduction, est un chef-d’œuvre littéraire et surtout philosophique.

Le sujet est généralement connu : Lucius (derrière lequel se cache Apulée en personne, l’auteur le laisse clairement entendre à plusieurs reprises) se rend en Thessalie, célèbre pour ses sorcières capables de toutes les métamorphoses, où curiosité et imprudence l’amènent à se voir transformé en âne répugnant ; s’ensuivent des mésaventures presque interminables, dont le délivre enfin Isis pieusement invoquée, qui l’aide à redevenir homme désormais voué au service de la déesse égyptienne.

Le récit fourmille de détails curieux, par exemple sur la fête du dieu Rire (livre III), autrement inconnue. On y trouvera aussi le célèbre conte philosophique d’Amour et Psyché, qui couvre la fin du livre IV, tout le livre V et la plus grande partie du VI. On lira une ou deux allusions au christianisme peu à peu émergeant en ce IIe siècle.

On sait qu’Apulée fut initié dans de nombreux Mystères de son époque ; les allusions précises faites aux Mystères égyptiens ne laissent pas de doute à ce sujet. En appelant Isis «la déesse aux noms multiples» (XI, 22) ne rejoint-il pas le Livre des morts qui la déclare «divine dans tous ses noms» (chap. 188) ? Et quand ce même Livre des morts dit : «Il entre dans la demeure d’Osiris, et il voit les mystères qui s’y trouvent» (chap. 125), Apulée y fait en quelque sorte écho par ces mots :

«Le dieu qui des grands dieux est le meilleur, des meilleurs le plus auguste, des plus augustes le plus grand, des plus grands le maître souverain, Osiris m’apparut dans mon sommeil, non sous une figure d’emprunt, mais en se montrant face à face, et daigna me faire entendre sa parole vénérable.» (XI, 28)

Signalons malicieusement que Vallette a eu la délicatesse de ne pas traduire quelques lignes particulièrement scabreuses dans la fameuse scène pasiphaéenne (X, 21) !

Quelques autres citations du roman :

«Vénus n’a jamais rien fait qu’avec l’assistance de Mercure». (VI, 7)

«Tous accourent à notre rencontre, parents, alliés, clients, protégés, serviteurs, la joie sur le visage, inondés d’allégresse. Vous auriez vu une foule de tout sexe et de tout âge, escortant, spectacle nouveau et mémorable à coup sûr, une vierge portée en triomphe sur un âne.» (VII, 13)

«La flamme du cruel Amour, faible d’abord, nous charme en sa chaleur première ; mais, quand Habitude la nourrit, elle devient un feu dévorant dont l’ardeur que rien n’arrête consume les mortels tout entiers.» (VIII, 2)

«Je conserve un souvenir reconnaissant à l’âne que je fus et grâce auquel, caché sous cette enveloppe et éprouvé par des tribulations variées, je suis devenu sinon plus sage, au moins riche de savoir.» (IX, 13)

«Que nul ne me reproche cet accès d’indignation et ne se dise en soi-même : “Faudra-t-il maintenant supporter un âne qui nous vient faire de la philosophie ?”» (X, 33)

«Je viens à toi, Lucius, émue par tes prières, moi, mère de la nature entière, maîtresse de tous les éléments, origine et principe des siècles, divinité suprême, reine des Mânes, première entre les habitants du ciel, type uniforme des dieux et des déesses. Les sommets lumineux du ciel, les souffles salutaires de la mer, les silences désolés des enfers, c’est moi qui gouverne tout au gré de ma volonté. Puissance unique, le monde entier me vénère sous des formes nombreuses, par des rites divers, sous des noms multiples. Les Phrygiens, premiers-nés des hommes, m’appellent mère des dieux, déesse de Pessinonte ; les Athéniens autochtones, Minerve Cécropienne ; les Cypriotes baignés des flots, Vénus Paphienne ; les Crétois porteurs de flèches, Diane Dictynne ; les Siciliens trilingues, Proserpine Stygienne ; les habitants de l’antique Éleusis, Cérès Actéenne ; les uns Junon, les autres Bellone, ceux-ci Hécate, ceux-là Rhamnusie. Mais ceux que le dieu Soleil éclaire à son lever de ses rayons naissants, de ses derniers rayons quand il penche vers l’horizon, les peuples des deux Éthiopies et les Égyptiens puissants par leur antique savoir m’honorent du culte qui m’est propre et m’appellent de mon vrai nom, la reine Isis.» (XI, 5)

«Te voilà enfin parvenu, Lucius, au port du Repos et à l’autel de la Miséricorde. Ni ta naissance, ni ton mérite, ni cette science même qui fleurit en toi ne t’ont servi de rien, et les tentations d’une verte jeunesse t’ayant fait choir en des voluptés serviles, ta fatale curiosité t’a valu une amère récompense. Mais, malgré tout, l’aveuglement de la Fortune, en t’exposant aux plus torturantes alarmes, t’a conduit, dans sa malice imprévoyante, à cette religieuse félicité.» (XI, 15)

«Les clefs de l’enfer et la garantie du salut sont aux mains de la déesse [Isis]. L’acte même de l’initiation figure une mort volontaire et un salut obtenu par grâce.» (XI, 21)

«Écoute donc et crois : tout ce que je vais dire est vrai. J’ai touché aux confins de la mort ; j’ai fouillé le seuil de Proserpine, et j’en suis revenu porté à travers tous les éléments ; en pleine nuit, j’ai vu le soleil briller d’une lumière étincelante ; j’ai approché les dieux d’en bas et les dieux d’en haut, je les ai vus face à face et les ai adorés de près.» (XI, 23)

 «Tes traits divins [d’Isis], ta personne sacrée, je les garderai enfermés à jamais dans le secret de mon cœur, et [je les imaginerai].» (XI, 25)

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