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  • Ibn al-‘adam | "Amour et Connaissance : les deux faces du miroir du Coeur" | Inédit

 

 


 

Amour et Connaissance :
les deux faces du miroir du Cœur
 

Dis: si vous aimez Dieu, suivez-moi, Dieu vous aimera. (Cor. III:31)

La Révélation coranique semble évoquer l’Amour (Maḥabba) comme un mode de relation privilégié entre le Créateur et les créatures. En effet, alors que la Raḥma (« Miséricorde »[1]) est une qualité qui appartient en propre à Dieu[2], l’Amour semble apparaitre comme une modalité permettant la réciprocité entre le Seigneur et son serviteur, comme l’illustre le verset : « Il fera venir des gens qu'Il aime et qui l'aiment » (Yuhibbuhum wa yuhibbûnahu) (Cor. V:54)[3]. Dans le même temps, la Révélation insiste sur la nécessité de chercher la Connaissance (Maʿrifa)[4]. Or, nous retrouvons à nouveau, dans cet effort de Connaissance, un engagement dans une relation de réciprocité, puisque c’est Dieu qui pourvoit à Ses créatures les Signes par lesquels il sera possible de Le connaître : « Dis : “Louange à Dieu ! Il vous montrera Ses signes afin que vous les connaissiez » (Sayurîkum ayâtihi fata‘rifunahâ) (Cor. XXVII:93)[5].

Dans son Mir’aj, Sidi Aḥmad Ibn ‘Ajîba (m. 1809), définit cette Maʿrifa comme le terme du cheminement et de l’acquisition des stations spirituelles (Maqamât), en ce qu’elle qualifie celui qui contemple Dieu en permanence, définitivement affranchi des voiles illusoires[6].  Quant à la Maḥabba, il la décrit comme « l’inclinaison persistante d'un cœur épris »[7], à tel point qu’on en arriverait difficilement à distinguer ce qui différencie ces deux réalités de l’âme.

La Maḥabba et la Maʿrifa, l’Amour et la Connaissance, semblent en effet décrites par de nombreux maîtres du Ṭaṣawwuf [8] comme les deux faces d’une même pièce, comme deux dimensions absolument inséparables l’une de l’autre. Nous proposons donc de dresser un bref aperçu de la façon dont se tisse cette relation qui est au cœur du cheminement spirituel muḥammadien.

Amour et Création

         Selon le célèbre Ḥadîth Qudsî [9] Dieu a évoqué la Création par ces mots : « J'étais un trésor caché et J'ai aimé (ahbabtu) à être connu ; aussi ai-Je créé les créatures et Me suis-Je fait connaître d'elles ; ainsi elles Me connurent ». L’Amour est évoqué ici à la fois comme moteur et comme sens de la Création divine, tandis qu’il apparait inséparable de la Connaissance dès ce premier instant du Temps. Ibn ‘Arabî (m. 1240) interprète cette parole comme exposant la cause de toute existence : « N'eût été l'Amour, aucune chose ne serait désirée et rien [par conséquent] n'existerait : tel est le secret contenu dans [Sa parole] “J'ai aimé à être connu” »[10]. Le maître andalou explique ensuite que l’Amour est créateur par essence, car il tend à rendre manifeste ce qui demeure caché (ghâ’ib) sans son action, comme on peut l’observer chez l’homme mû par l’amour passionnel désirant à tout prix ce qu’il n’a pas. Cette action créatrice est d’ailleurs parfaitement illustrée par un autre Ḥadîth célèbre qui décrit l’Ihsân comme « adorer Dieu comme si tu le voyais »[11] : le serviteur qui cherche l’excellence doit donc, selon Ibn ‘Arabî, utiliser l’outil créatif de son imagination (khayâl) pour se rendre conscient de la Présence divine et réceptif de l’Amour que le Créateur répand au travers de Sa Création. Cette station d’excellence, celle du véritable amoureux qui ne vit plus que par la contemplation de son Bien-Aimé, est celle qui est décrite par le verset coranique : « Où que vous vous tourniez, là est la face de Dieu » (Cor. II:115).

Cet archétype de l’amoureux parfait est également évoqué par le Ḥadîth du Walî : « Mon serviteur ne s'approche pas de Moi par quelque chose que J'aime davantage que les œuvres que Je lui ai prescrites. Et il ne cesse de s'approcher de Moi par les œuvres surérogatoires jusqu'à ce que Je l'aime. Et lorsque Je l'aime, Je suis son ouïe par laquelle il entend, sa vue par laquelle il voit, sa main par laquelle il saisit, son pied avec lequel il marche ». La réciprocité induite par l’Amour entre Dieu et l’Homme apparaît ici de manière évidente, puisque c’est l’Amour de Dieu que vise le serviteur avant qu’il soit lui-même transformé en vecteur de cet Amour, dans une pieuse ivresse qu’Ibn ‘Arabî décrit en ces mots : « Lorsque tu L'aimes, tu sais, au moment où tu bois le breuvage de Son amour pour toi que ton amour pour Lui ne fait qu'un avec Son amour pour toi ; et ce breuvage t'enivre au point de te faire oublier ton amour pour Lui bien que tu sentes que tu L'aimes. Renonce donc à distinguer entre ces deux amours »[12].

Connaissance par l’Amour

La Maḥabba semble être à la fois la façon dont Dieu se Manifeste à l’Homme et la façon dont celui-ci peut se rapprocher de Lui. Nous avons déjà évoqué brièvement le fait qu’Ibn ‘Ajîba attribue l’accomplissement du chemin spirituel à la Ma‘rifa. Pourtant, Abû Tâlib al-Makki (m. 996) évoquait plutôt l’Amour comme terme de la quête dans son Qut al-Qulûb : « L’amour est la station mystique la plus élevée à laquelle puissent prétendre les initiés. Elle constitue une dilection de Dieu pour Ses adorateurs qui Lui adressent un culte pur. Elle est une faveur extrême de Dieu[13]. » Ici encore, l’Amour créateur de Dieu est la source de l’Amour du serviteur pour son Seigneur, qui reflète par son état d’adoration et de pure contemplation cette faveur vers son origine.

Puisque l’Amour est à la fois la cause du cheminement, en tant que source de toute vie et de tout mouvement à l’intérieur de la Création, et son but, en tant qu’état de réceptivité parfaite du flux émanant de cette source, il est évident qu’il en sera également le véhicule privilégié. Nous avons déjà mentionné que le Qur’ân présentait le Messager de Dieu (sAs) comme un objet de Connaissance pour les cheminants. De la même façon, il se présente comme un objet d’Amour dans le Ḥadîth : « Par Dieu, les créatures n’auront pas la foi avant qu’ils ne m’aiment plus que leur famille, leurs biens, l’humanité et même leur propre personne ». Ceci illustre parfaitement le cheminement par l’Amour en ce qu’il est émaillé d’épreuves à la mesure de la préciosité du but. On rapporte ainsi qu’un homme s’adressa au Prophète (sAs) en ces termes : O Envoyé de Dieu, je t’aime ! — Prépare- toi à la pauvreté ! lui répondit-il. J’aime Dieu ! reprit l’homme. Dans ce cas, prépare-toi aux épreuves ! lui rétorqua Muḥammad (sAs) [14].

Pour al-Ansarî (m. 1088), la Maḥabba est avant tout le véhicule du cheminement spirituel, mais il s’accomplit en se confondant avec la Connaissance : « ils donnent réciproquement naissance l’un à l’autre »[15]. Si l’Amour est à la fois la source et le but ultime, il devient également le moyen de cheminer, l’outil privilégié de ce mouvement de retour vers Dieu. Mais cet effort de Maḥabba ne peut pas se passer de Maʿrifa, tant il semble impossible d’aimer une chose qui ne nous est pas d’accord connue. La question de la hiérarchisation entre l’Amour et la Connaissance n’a visiblement pas lieu d’être, puisque ces deux dimensions semblent liées au point de se confondre à leurs plus hauts degrés d’accomplissements respectifs. L’Amour est donc ici à la fois l’occasion et le moyen d’éprouver le cheminant en quête d’une Connaissance qui ne s’atteint que par la purification de l’intention et de la perception : « Dieu éprouve ce qui se trouve dans vos poitrines et en purifie le contenu » (Cor. III:154).

Le Cœur : un Isthme entre Amour et Connaissance

Afin de mieux saisir le rapport entre ces deux dimensions, et leur relation indéfectible, il est nécessaire d’observer le lieu qui leur est habituellement attribué dans l’intériorité de l’Homme. Le Shaykh contemporain Sidi Ḥamza al-Qâdirî al-Budshîshî (né en 1922) présente en ce sens la Maʿrifa comme une science du cœur, et non du mental : « La compréhension ne s’acquiert pas dans les livres. Il serait trop facile de se baisser et de ramasser tous les livres traitants du Soufisme pour l’acquérir. La vraie science vous viendra de l’intérieur, de votre cœur. Seul le cœur comprend. Il comprend que rien n’est en dehors de Dieu. »

Si la Connaissance, comme l’Amour, est un processus qui se déroule dans le cœur du cheminant, c’est que cet organe est traditionnellement celui de l’âme réflexive, ou de la « conscience ». Si le Ṭaṣawwuf est souvent qualifié de « Science des cœurs », c’est que la Tradition regorge d’exemples qui indiquent qu’il est pour l’Homme l’organe de perception du Divin et le lieu de sa relation avec Lui. C’est ainsi « sur le cœur » de Muḥammad (sAs) qu'est descendue la Révélation par l'Esprit (Cor. XXVI:193-194), tandis qu’un Ḥadîth Qudsî déclare : « Ni mes cieux ni ma terre ne peuvent Me contenir, seul le cœur de mon serviteur fidèle Me contient »[16]. Mais les cœurs des hommes sont également les lieux de l’insouciance (« N'obéis pas à celui dont Nous avons trouvé le cœur insouciant » Cor. XVIII:28), de l'hypocrisie (« ceux qui disent avec leurs bouches “Nous croyons !” alors que leurs cœurs ne croient pas » Cor. V:41) ou encore de l'orgueil (Cor. XL:35). On le comprend aisément, tout l’enjeu sera donc de veiller sur cet organe et de le purifier afin, qu’il devienne exclusivement un lieu de théophanie.

L'Islâm insiste particulièrement sur la primauté de l' « être » par rapport au « paraître »[17], c'est à dire que selon un Ḥadîth « Les actes ne valent que par leurs intentions »[18], mais aussi que « Dieu ne regarde ni vos corps ni votre aspect extérieur, mais il regarde vos cœurs ». C’est donc cet organe qui sert de point de contact et d’évaluation entre Dieu et sa créature, l'aspect extérieur ne valant que parce qu'il reflète l'état intérieur, comme l'écorce d’un fruit procède de son noyau pour l'envelopper. L'équilibre de l'Homme réside donc dans l'attention qu'il porte à ce cœur et dans sa purification, car « il est dans le corps un organe qui, s'il est sain, rend tout le corps sain, et s'il est corrompu, rend tout le corps corrompu : cet organe c'est le cœur »[19]. Le Qur’ân définit par ailleurs cette maladie comme un endurcissement : « ceux dont le cœur est malade, ceux au cœur endurci » (Cor. XXII:53), et le Ṭaṣawwuf aura donc comme but de rendre le cœur plus vivant, plus sensible à la Présence divine, en développant des méthodes pratiques pour y parvenir.

Mais le mot Qalb [20], qui est le plus usité en arabe pour désigner le cœur, renvoie à son tour à plusieurs réalités, ou plutôt ici à plusieurs degrés de cette vie intérieure. On retrouve par exemple chez Hakīm al-Tirmidhī (m. 910) la distinction entre les termes Saḍr, Qalb, Fuʾād, et Lubb [21]. Tous ces termes, attestés dans le Qur’ân, vont selon lui décrire un degré précis de la conscience.

Ainsi, le Saḍr désigne généralement la « poitrine », en tant qu’il représente le « récipient », l’individu limité qui est également le lieu du contact avec les autres créatures sur le plan matériel. Il est le siège de l’Islâm[22], comme dans le verset « Dieu ouvre à l’Islâm la poitrine (saḍr) de celui qu’Il veut diriger » (Cor. VI:125).

Le Qalb renvoie quant à lui à l’intériorité. Comme nous l’avons déjà indiqué, il évoque l’intelligence et l’intuition, comme dans les versets « ils ont des cœurs (qulûbun) avec lesquels ils ne comprennent rien » (Cor. VII:179) et « Ce ne sont pas leurs yeux qui sont aveugles, mais ce sont les cœurs (qulûbun) dans leurs poitrines qui sont aveugles » (Cor. XXII:46). Il est en cela le siège de l’Imân (la foi) : « Dieu a inscrit la foi dans leurs cœurs (fî qulûbihim) » (Cor. LVIII:22).

Le Fuʾād désigne l’œil du cœur, cette perception subtile dans laquelle se confond l’Amour et la Connaissance : « Le cœur (fu’âdu) n’a pas démenti ce qu’il a vu » (Cor. LIII:11). Si l’intelligence du Qalb permet d’atteindre la ‘ilm al-Yaqîn, la « Science de la Certitude »[23], seule la vision directe du Fuʾād amène au ‘ayn al-Yaqîn, la « Vision de la Certitude ».

Enfin, le Lubb est cette subtilité inexprimable qu’on qualifie également de « secret » (Sirr) et qui réside au cœur de la conscience, « au cœur du cœur ». Ce caractère transcendant et aliénable s’illustre parfaitement dans l’usage que fait la Révélation de ce terme : si nous avons vu que le Qalb était sujet à toutes les fluctuations possibles, le Coran n’utilisera ce terme-ci que pour qualifier une réalité acquise définitivement, comme dans le verset « Il donne la sagesse à qui Il veut. Celui à qui la sagesse a été donnée bénéficie d’un grand bien. Ceux qui sont doués d’intelligence (Lubb) sont les seuls à s’en souvenir » (Cor. II:269). Cette réalité du Cœur marque donc l’affranchissement de tout ce qui pouvait rester limitatif dans les dimensions précédentes pour atteindre le Ḥaqq al-Yaqîn, la « Vérité de la Certitude », dont l’infinité et la subtilité terminent d’absorber définitivement la distinction entre Maḥabba et Maʿrifa. A ce stade il n’y a plus de différence entre Aimant et Aimé, ni entre Connaissant et Connu, puisqu’il ne reste que Dieu dans Sa Vérité unique et indicible.

Le Livre blanc

Nous avons tenté de montrer comment l’Amour de Dieu est à la fois l’origine de notre existence, notre moyen de cheminement vers Lui et le but de ce chemin. Connaître Dieu consiste donc à l’aimer, et lorsque le Coran nous enjoint : « Dis : ‘Seigneur ! Augmente ma Science’ » (Cor. XX:114), il faut comprendre que c’est une augmentation en Amour que nous devons rechercher. 

Maḥabba et Maʿrifa sont donc inséparables et sont même nécessaires l’une à l’autre. Sidi Ḥamza dit dans ce sens : « C’est l'Amour divin qui met les cœurs en mouvement, l'Amour divin est la monture des esprits, c'est par lui que l'on connaît toute chose. » Le cœur est le lieu où se manifeste cet Amour, selon les différents degrés que nous avons évoqués plus haut, il est le lieu de la Connaissance, de la relation avec Dieu et de son Jugement. Le cheminement vers la Maʿrifa sera donc une purification de ce cœur, afin qu’il s’emplisse totalement de la Maḥabba divine pour la renvoyer vers Dieu et Ses créatures, au point que ce récipient disparaisse dans son contenu d’origine divine. En d’autres mots, si l’Amour d’abord est une faveur divine, au même titre que Sa Miséricorde, il devient également un véhicule de Connaissance pour celui qui parvient à faire de son cœur un miroir reflétant cet Amour divin vers son Créateur, en étant emporté par son mouvement de retour vers sa Source.

Le Ṭaṣawwuf, en tant que « Science des Cœurs », ne vise donc aucune autre connaissance que cette purification, ce polissage du miroir du cœur qui lui permet de refléter l’Amour divin vers son Créateur et d’élever le cheminant vers Sa Présence. C’est ce qu’affirme Jalâl al-Dîn Rûmî (m. 1273) lorsqu’il dit :

"Purifie toi des attributs du moi, afin de pouvoir contempler ta propre essence pure,

et contemple dans ton propre cœur toutes les sciences des prophètes,

sans livres, sans professeurs, sans maîtres.

Le livre du soufi n'est pas fait d'encre et de lettres,

il n'est rien d'autre qu'un cœur blanc comme neige [24]."

I.V.

novembre 2015.



[1] La racine R-Ḥ-M renvoie à la “matrice”, tandis que Ḥ-B-B est celle de la “semence”. La Raḥma est donc la relation matricielle que l’Essence divine entretient avec Sa Création, tandis que la Maḥabba renvoi à la semence qui rayonne et croît à l’intérieur de cette “Miséricorde” matricielle. Cf. Maurice Gloton, Une approche du Coran par la grammaire et le lexique, Beyrouth / Paris, al-Bouraq, 2002.
[2] Cf. le Hadîth “La Miséricorde appartient au Miséricordieux”, Jami‘ de al-Tirmidhî, XXVII, 2.
[3] Notons au passage l’importance de l’ordre dans lequel cette relation d’Amour est évoquée : Dieu aime d’abord Sa créature, qui L’aime en retour. C’est donc l’Amour divin qui rend possible l’Amour de la créature, qui n’est qu’une réfraction de celui-ci vers sa propre source. Nous aurons l’occasion d’illustrer cette relation dans la suite de ce travail.
[4] Le Qur’ân propose plusieurs « objets » de Connaissance pour se cheminer vers Dieu : Ses bienfaits « Ils connaissent les faveurs de Dieu » (Cor. XVI:83), Son Livre « Ceux auxquels Nous avons donné le Livre le connaissent comme ils connaissent leurs propres enfants » (Cor. VI:20), ou encore Son Messager « Ne connaissent-ils pas leur Messager ? » (Cor. XXIII:69).
[5] Remarquons aussi que la Connaissance est également citée par la Révélation comme l’un des modes de relation entre le Prophète (sAs) et Dieu : « Et Dieu lui a fait connaître » (wa aẓharahu Llahu ‘alayhi ‘arrafa ba‘dahu) (Cor. LXVI:3).
[6] Aḥmad Ibn Ajîba, Mi’raj al-Tashawwuf ‘ala ḥaqâ‘iq al-Ṭaṣawwuf, (1809), éd. par ‘Abd al-Majîd Khayâlî, Casablanca, Markaz al-Turâth al-Thaqâfî al-Maghribî, s.d. Traduction française par Jean-Louis Michon, Le Soufi Marocain Ahmad Ibn Ajîba et Son Mi'raj, Paris, J. Vrin, 1989.
[7] Ibid.
[8]Le terme “Soufisme”, créé par les orientalistes au XIXe siècle, pourrait laisser penser qu’il s’agit d’un branche ou d’une doctrine particulière, comme le suggère la particule “-isme”. Or, le Ṭaṣawwuf est en réalité résolument inséparable de l’Islâm traditionnel dont il est le noyau spirituel et vivifiant depuis la mort du Prophète (sAs). Il occupait à ce titre une place centrale dans l’enseignement religieux et la vie intellectuelle du monde musulman jusqu’à la période moderne et ses ravages.
[9] Ce Ḥadîth qui ne se trouve pas dans les canons classiques a néanmoins été utilisé et validé par de nombreux Maîtres de la Voie et du dévoilement.
[10] Muhyi-l-Dîn Ibn ‘Arabî, Kitâb al-Hujub, cité par Claude Addas dans Expérience et doctrine de l’Amour chez Ibn ‘Arabî, dans Mystique musulmane - Parcours en compagnie d’un chercheur : Roger Deladrière, Paris, Cariscript, 2002.
[11] Ce long Ḥadîth décrit comment Gabriel (as) est venu sous la forme d’un homme « aux habits d’une blancheur éclatante et aux cheveux d’une noirceur profonde » pour interroger Muḥammad (sAs) devant ses compagnons à propos des trois degrés fondamentaux : l’Islâm (les dévotions décrites dans les “cinq piliers”), l’Imân (la Foi, qui consiste à croire en Dieu, en Ses Anges, Ses Livres, Ses Envoyés, au Jour du Jugement et au Destin imparti) et l’Iḥsân (l’Excellence, ou le “Bel agir”). Ces trois définitions ont été considérées par les gens de la Voie comme les degrésde la Connaissance et de l’accomplissement du cheminement vers Dieu, partant de la conformité rituelle pour arriver à la contemplation permanente de la Présence divine.
[12] Muhyi-l-Dîn Ibn ‘Arabî Futuhât al-Makkiyya, II, 334. Cité par Claude Addas dans Expérience et doctrine de l’Amour chez Ibn ‘Arabî, op. cit.
[13] Abû Ṭâlib al-Makkî, Kitâb Qût al-Qulûb fî mu‘âmalat al-Maḥbûb wa waṣf târiq al-murîd ilâ Maqâm al-Tawḥîd, éd. Beyrouth, Dâr Ṣâdir, s.d.
[14] Ibid.
[15] Cf. Faouzi Skali, La Voie Soufie, Paris, Albin Michel, 1993.
[16] L’authenticité de la chaîne de transmission de ce Ḥadîth a été critiquée, mais son sens a également été validé par les maîtres de la Voie et du dévoilement, dont al-Ghazâlî qui le cite dans son Iḥya ‘ulûm al-Dîn.
[17] Cf. L’ostentation est souvent qualifiée d’ailleurs de “Petit Shirk”, cet à dire d’une forme légère de cet “associationnisme” que l’Islâm considère comme le plus grand des pêchés envers Dieu. Selon cette conception, le croyant qui n’agit pas uniquement par sincérité et dans le but de plaire à son Seigneur prend les créatures à qui il cherche à plaire pour des “divinités” associées à Dieu.
[18] Ce Ḥadîth est d’ailleurs le premier cité dans le Saḥîḥ d’al-Bukhârî, I, 1.
[19] Ḥadîth, cf. Saḥîḥ de Muslim Ibn al-Hajjaj, XXII, 133.
[20] La racine Q-L-B renvoie au fait de se retourner, de se renverser. Cf. Maurice Gloton, Une approche du Coran par la grammaire et le lexique, op. cit. Le Cœur est donc cette conscience sans cesse renversée entre l’âme corporelle (Nafs), et l’Esprit (Rûḥ) insufflé par Dieu (cf. Cor. XXXVIII:72), jusqu’à ce qu’elle s’oriente définitivement vers son Créateur pour devenir Son miroir. Cf.  Aḥmad Ibn Ajîba, Mi’raj al-Tashawwuf, op. cit.
[21] Cf. Faouzi Skali, La Voie Soufie, op. cit.
[22] Cf. le Ḥadîth dit « de Gabriel » évoqué plus haut présentant les trois niveaux Islâm – Imân – Iḥsân.
[23] Cf. ces trois notions sont dérivées de Cor. CII:5-7 et décrivent les trois plus hauts degrés de la “Connaissance dépourvue de doute”. Al-Qushayrî considère que ces niveaux sont respectivements ceux des “gens de l’Intellect”, des “gens du Savoir” et des “gens de la Connaissance”. Cf. Abû-l-Qasim al-Qushayrî, Risâla, éd. Beyrouth, Dâr al-Ḥabîl, 1990. Traduction anglaise par Alexander Knysh, Al-Qushayri’s Epistle on Sufism. Al-Risala al-Qushayriyya fi ‘ilm al-Tasawwuf, Reading, Garnet, 2007.
[24] Eva De Vitray Meyerovitch, Anthologie du Soufisme, Paris, Albin Michel, 1995.

 

 

 

 

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