Écrit par : Henri-Corneille Agrippa
Titre :  La Philosophie occulte ou la magie
Date de parution : 1984
Éditeur : Éditions Traditionnelles

   

Agrippa, Henri-Corneille, La Philosophie occulte ou la magie, tome 2, Paris, Éditions Traditionnelles, 1984.


Henri-Corneille Agrippa consacre le second volume de son ouvrage à la Magie Céleste. La première partie est consacrée à la symbolique des nombres, qui sont amplement développés un à un. Il enchaîne ensuite par divers exposés touchant à la mathématique, comme la musique et l’harmonie, les proportions et puis beaucoup plus longuement l’astronomie.

 « Il faut seulement remarquer ici tout ce que les figures opèrent de merveilleux quand nous les inscrivons sur des cartes, des lames, ou des images. Elles ne font leur effet merveilleux que par la vertu qui leur est communiquée par des figures plus relevées, moyennant une certaine sympathie que produit l’aptitude et la similitude naturelle, selon qu’elles les représentent bien : de même que l’écho se fait contre un mur opposé, et que les rayons du soleil ramassés dans un miroir concave, et repoussés ensuite contre quelque corps, ou quelque bois, ou quelque autre chose combustible opposée y mettent aussitôt le feu ; ou de même qu’une cithare retentit sur une autre, sans autre raison qu’il y a une autre cithare posée vis-à-vis, conforme et toute semblable figure ; ou si vous voulez comme de deux cordes tendues au même intervalle et tempérées à une même tension dans une lyre, lorsqu’on en touche une l’autre retentit tout aussitôt. Semblablement les figures dont nous avons parlé et tous les caractères conçoivent en eux-mêmes les vertus des figures célestes, selon qu’ils auront été justement et à point imprimés ou fabriqués en temps et lieu, et avec toutes les cérémonies pour ces figures dominantes ; comme si une figure aspirait à une figure semblable et l’exigeait. » (p. 102-103)

 « De plus, il faut convenir que le Son a la vertu de recevoir les dons des influences célestes, si nous croyons avec Pythagore, et Platon, que la composition du ciel est harmonieuse, et qu’il gouverne et fait toutes choses par des tons et des mouvements harmonieux. Le chant a plus de pouvoir que le son des instruments, en ce que par le concert harmonieux provenant de la conception de l’esprit et du désir impérieux de la phantaisie et du cœur, et conjointement avec l’air agité et tempéré pénétrant facilement l’esprit aérien de l’auditeur, qui est le lien de l’âme et du corps, portant avec soi la passion et l’esprit de celui qui chante il excite par sa passion la passion de l’auditeur, il frappe la phantaisie par la phantaisie, l’esprit par l’esprit, touche le cœur, et entre jusqu’au fond de la pensée, et s’insinue peu à peu dans les mœurs ; de plus il met les membres en mouvement, et les arrête, aussi bien que les humeurs du corps. » (p. 107)

« Et on ne peut faire accorder en aucune manière les cordes faites des nerfs d’un loup et d’un agneau, parce que leurs fondements sont dissonnants. » (p. 108)

 « Outre cela les anatomistes ont trouvé un certain nerf aux environs de la nuque, lequel étant tiré donne tel mouvement à tous les membres de l’homme, que chacun en particulier fait son propre mouvement ; Aristote croit que dieu, d’une semblable traction, donne aussi le mouvement aux membres du monde. Et il y a deux veines dans le col, qui à l’endroit où elles se divisent en deux branches dans le gosier entrent dans la tête, lesquelles si on les presse fortement par dehors les hommes tombent aussitôt privés de l’usage des sens jusqu’à ce qu’on les relâche. Mais l’éternel ouvrier qui a fait le monde, comme il doit envoyer l’esprit dans le corps ainsi que dans sa maison, il lui ajuste une demeure digne de lui, et donne aussi à ce très-noble esprit un beau corps, que pour lors l’esprit même connaissant sa divinité s’approprie pour son habit, et embellit. C’est pourquoi les peuples d’Éthiopie conduits par la sagesse de leurs prêtres appelés gymnosophistes, au rapport d’Aristote ne choisissaient pas leurs rois entre les plus forts et les plus riches, mais seulement entre ceux qui étaient les plus beaux et les mieux faits, par la raison qu’ils croyaient qu’ils pouvaient considérer et regarder la beauté des esprits par rapport à l’image du corps. Sur cette considération grand nombre de philosophes tant anciens que modernes, lesquels ont curieusement cherché dans la majesté même de la nature le secret  des causes occultes, ont bien osé dire qu’il n’arrivait aucun défaut au corps et qu’il n’y avait aucun manque de proportion au corps qui ne vint du défaut et de l’intempérance de l’esprit ; parce qu’il est certain que l’un croît respectivement, et fait ses fonctions par le ministère de l’autre. » (p. 129-130)

« Quand donc une âme très proportionnée est jointe à un corps très proportionné, il est constant qu’un tel homme est très heureux en la distribution des perfections du corps et de l’esprit, en tant que l’âme et le corps conviennent dans la disposition des choses naturelles ; laquelle convenance à la vérité est fort cachée, néanmoins les sages l’ont en quelque façon découverte. » (p. 131)

« Et quoique les étoiles fixes fassent beaucoup d’effets, on les attribue cependant aux planètes, tant parce qu’elles sont plus proches de nous, plus distinctes, et plus connues, que parce que les planètes mettent en exécution toutes les influences des étoiles supérieures. » (p. 138-139)

« Ce même soleil, entre les autres astres, est l’image et la statue du principe suprême, comme la véritable lumière de l’un et de l’autre monde, le terrestre, le céleste, et un très parfait simulacre de dieu même, dont l’essence nous marque le père, la splendeur le fils, la chaleur l’esprit-saint. » (p. 140)

« La Lune, comme étant la plus proche de la terre, reçoit toutes les influences célestes ; au moyen de la vitesse de son cours, elle se joint chaque mois au soleil et aux autres planètes et étoiles, faisant comme l’office de femme envers toutes les étoiles ; elle en est la plus féconde, recevant en elle-même comme une espèce de fœtus, les rayons et les influences du soleil et de toutes les autres planètes et étoiles, les mettant au jour comme par accouchement dans le monde inférieur voisin. » (p. 141)

 « Et quoiqu’elle [la Lune] reçoive des forces de toutes les étoiles, elle en reçoit néanmoins plus abondamment du soleil, quand elle est en conjonction avec lui ; il la remplit d’une force vivifiante, et elle emprunte de la sa complexion à proportion de son regard. Car dans son premier quartier, au dire des Péripatéticiens, elle est chaude et humide ; dans le second, elle est chaude et sèche ; dans le troisième, elle est froide et sèche ; et dans le quatrième, froide et humide. » (p. 142)

 « Le monde, les cieux, les étoiles, les éléments ont une âme avec laquelle ils causent une autre âme dans les corps inférieurs et dans les mixtes de ce monde. Ils ont aussi, comme nous avons dit dans le premier livre, un esprit qui est présent au corps moyennant l’âme ; car comme le corps du monde en son entier est un certain corps en son espèce dont les parties sont les corps de toutes choses animées, et que plus un tout est plus parfait et plus noble que sa partie, plus aussi à proportion que le corps du monde est plus parfait et plus noble que chaque chose en particulier, ce serait une absurdité de dire que tous les petits corps imparfaits, et les petites parties du monde, et tous les animaux les plus méprisables, les mouches, les vermisseaux, sont des sujets dignes de vie, qu’ils possèdent la vie, qu’ils ont une âme, et que le monde en son entier, qui est le corps le plus parfait, le total, et le plus noble de tous n’a point de vie, et n’a point d’âme. Il n’est pas moins déraisonnable d’avancer que les cieux, les étoiles, et les éléments qui donnent pleinement la vie et l’âme à chaque chose en particulier, soient eux-mêmes privés de la vie et de l’âme, et qu’une plante, ou le moindre arbre, soit d’une condition plus noble que le ciel, que les étoiles, que les éléments, qui selon l’ordre de la nature n’ont point d’autres causes qu’eux-mêmes. Car qui peut dire, à moins que d’être privé de sens, que la terre et l’eau ne vivent pas ; elles qui de leur propre fond produisent sans nombre des arbres, des plantes, et des animaux, qu’elles vivifient, qu’elles nourrissent et à qui elles donnent l’accroissement. » (p. 205-206)

 « Puisque la perfection du corps est l’âme même, et que le corps est d’autant plus parfait qu’il a une âme plus parfaite, c’est donc une nécessité que les corps célestes étant les plus parfaits, ils aient les âmes les plus parfaites. » (p. 208)

« Il faut donc que notre âme voulant faire quelque œuvre merveilleux dans les choses de ce bas monde, contemple son principe afin qu’il la fortifie, l’éclaire, et lui donne une force d’agir par tous les degrés depuis son premier auteur. On s’est donc appliqué à nous faire contempler plus les âmes des étoiles, que les corps, plus le monde surcéleste intellectuel que le céleste corporel, puisque celui-là est plus noble, quoique celui-ci soit à considérer, qu’il soit à l’entrée de l’autre, et que l’influence de ce supérieur ne peut continuer sa route sans le traverser comme un milieu. Par exemple, le soleil roi des étoiles, très-plein de lumière, la reçoit du monde intelligible par-dessus toutes les étoiles, parce que son âme est plus capable de cette splendeur intelligible ; c’est pourquoi qui veut attirer l’influence du soleil, il faut qu’il contemple le soleil, non-seulement par  la contemplation de la lumière extérieure, mais aussi de l’intérieure, et personne ne peut faire cela sans faire un retour à l’esprit même du soleil, et sans lui devenir semblable, et comprendre et voir de l’œil de l’entendement sa lumière intelligible, comme la lumière sensible par l’œil du corps ; car celui-ci sera rempli de la splendeur de celui-là, et recevra en soi sa lumière, qui est l’hypotype communiquée par la sphère supérieure ; étant revêtu de son illustration, lui étant véritablement pareil, et comme soulevé, il obtiendra, au gré de son entendement, cette souveraine clarté et la faveur de toutes les formes qui en sont participantes ; et quand il aura puisé la lumière du souverain degré alors son âme approchera de la perfection, et deviendra semblable aux esprits du soleil, et atteindra aux forces et illustrations de la vertu surnaturelle, et se servira de leur puissance s’il a trouvé de la créance dans le premier auteur. Il faut donc surtout demander le secours et l’assistance au premier auteur, et cela non seulement de la bouche, mais aussi avec un geste religieux et un esprit suppliant, priant même abondamment sans cesse et faisant les prières entières, afin qu’il éclaire l’entendement et qu’il détourne des âmes les ténèbres qui prennent le dessus à cause du corps. » (p. 220-222)

Imprimer