Écrit par : Jamblique
Titre :  Les Mystères d'Égypte
Date de parution : 1996
Éditeur : Les Belles Lettres

 

Jamblique, Les  Mystères d’Égypte, Les Belles Lettres, Paris, 1966, trad. É. des Places, S.J., 225 pp.

Jamblique (début IIIe siècle après J.-C.), disciple de Porphyre, lui succéda à la tête de l’Académie néo-platonicienne.

Dans son ouvrage "Les Mystères d’Égypte", il adopte le personnage d’un prêtre égyptien, Abammon, pour répondre à des questions soulevées par son maître Porphyre au sujet de la religion égyptienne.

Il aborde en profondeur tout ce qui se rapporte au culte religieux d’Égypte : dieux, anges, démons, héros ; la théurgie, c’est-à-dire l’«œuvre divine», qui consiste à invoquer les êtres supérieurs et à se purifier à leur contact ; la divination ; la musique ; les images ; la prière ; les sacrifices ; les symboles ; l’astrologie ; les noms ; etc.

Le traité, reconnaissons-le, n’est pas toujours aisé à lire ; l’auteur fait appel à de nombreux concepts et mots techniques. D’après ses propres dires, les Égyptiens ne traitent néanmoins pas « de sujets difficiles mais qui seraient inutiles aux hommes, mais de ceux au contraire qui entre tous sont profitables à l’âme» (X, 7).

Heureusement, on y trouve aussi des passages plus accessibles, passionnants pour quiconque s’intéresse aux mystères et à la doctrine de la religion égyptienne ; bien des éléments y évoquent le judéo-christianisme, voire la future religion musulmane.

La traduction d’Édouard des Places est soignée et précise.

Quelques extraits :

«Le dieu qui préside à l’éloquence, Hermès, passe à bon droit depuis longtemps pour être commun à tous les prêtres ; et cet unique protecteur de la vraie science des dieux est le même toujours et partout, celui-là précisément auquel nos ancêtres, eux aussi, dédiaient les inventions de leur sagesse, en mettant sous le nom d’Hermès tous leurs écrits à eux.» (I, 1)

«Quand les puissances des passions humaines qui sont en nous sont contenues de toutes parts, elles deviennent plus fortes ; mais si on les exerce selon une activité brève et dans certaines limites, elles jouissent modérément et se satisfont ; après quoi, purifiées, elles s’apaisent par persuasion et sans violence. C’est pourquoi, à contempler dans la comédie et la tragédie les passions d’autrui, nous stabilisons les nôtres, les modérons et les purifions ; et au cours des rites, par le spectacle et l’audition des obscénités, nous nous libérons du tort qu’elles nous causeraient si nous les pratiquions. C’est donc pour guérir notre âme, pour modérer les maux qui s’attachent à elle du fait de la génération, pour l’affranchir et la débarrasser de ses liens qu’on se livre à ces actions. Et c’est pourquoi Héraclite les appelle à juste titre des “remèdes”, comme remédiant aux dangers et soustrayant les âmes aux malheurs de la génération.» (I, 11)

«Par le fait même, en effet, que nous sommes en puissance, en pureté et sous tous les rapports inférieurs aux dieux, il est on ne peut plus à propos de les supplier avec instance. Car la conscience de notre néant, dès que l’on nous juge en nous comparant aux dieux, nous fait nous tourner naturellement à la prière ; et par la supplication nous nous élevons bientôt jusqu’à l’être que nous supplions, nous nous rendons semblables à lui par sa fréquentation continuelle, et de notre imperfection nous arrivons peu à peu à la perfection divine. Et si l’on considérait aussi comment les supplications hiératiques ont été par les dieux mêmes envoyées aux hommes, qu’elles sont les symboles des dieux mêmes et ne sont connues que d’eux, et que d’une certaine façon elles ont la même puissance que les dieux, comment croire encore avec justice qu’une pareille supplication est sensible et non pas divine et intellectuelle ?» (I, 15)

«Le songes que l’on appelle “envoyés par les dieux” ne se produisent pas de la façon que tu dis ; mais ou bien, quand le sommeil cesse et que nous commençons à peine à nous éveiller, on peut entendre une voix brève qui nous guide au sujet de nos devoirs ; ou bien, tandis que nous sommes entre la veille et le sommeil ou même tout à fait réveillés, les voix se font entendre.» (III, 2)

«C’est ainsi que, dans les sanctuaires d’Asclépios, les maladies sont arrêtées par les songes divins ; grâce à l’ordre des apparitions nocturnes, la science médicale s’est constituée à partir des songes sacrés.» (III, 3)

«La race humaine est faible et chétive, elle voit court, le néant lui est congénital ; il n’est en elle qu’un remède à son erreur innée, à son désordre, à son changement perpétuel, c’est de participer en quelque façon, dans la mesure du possible, à la lumière divine». (III, 18)

«La providence aussi a coutume de soulever communément auprès du grand nombre la même difficulté : qu’il y ait des gens qui soient maltraités contre le droit sans avoir commis aucune injustice. Ici-bas, en effet, on ne peut raisonner sur ce qu’est l’âme, quel ensemble de vie elle a eu, combien de fautes elle a commises dans des existences antérieures, et si par hasard elle souffre les maux qu’elle a infligés auparavant ; il est aussi beaucoup d’injustices qui échappent à la connaissance des hommes, mais sont connues des dieux, car ils ne se proposent pas non plus de la justice le même idéal que les hommes. Ceux-ci définissent la justice “le devoir particulier à chaque âme”, et la répartition équitable selon les lois établies et le régime en vigueur ; les dieux, eux, fixent les yeux sur l’ordre total du monde, sur la contribution des âmes aux dieux, et c’est ainsi qu’ils portent un jugement sur les sanctions. C’est pourquoi autrement chez les dieux, autrement chez nous, se fait le discernement de ce qui est juste ; et je ne serais pas étonné que, dans la plupart des cas, nous n’atteignions pas au discernement suprême et très parfait des êtres suprêmes.» (IV, 5)

«Il ne faut pas repousser toute matière, mais seulement celle qui répugne aux dieux ; on choisira au contraire celle qui leur est apparentée, comme capable de convenir à l’édification de leurs demeures, à la consécration des statues et aussi aux rites des sacrifices. Autrement, en effet, les endroits de la terre ou les hommes qui viennent y habiter ne sauraient avoir part à la réception des êtres supérieurs, si un tel fondement n’avait d’abord été posé ; et il faut en croire les discours secrets : grâce aux contemplations bienheureuses, une certaine matière est livrée par les dieux, qui est, je suppose, connaturelle à ceux mêmes qui la donnent ; ainsi le sacrifice d’une matière de cette espèce éveille les dieux pour qu’ils apparaissent, et les invite aussitôt à se laisser saisir ; il les accueille quand ils se présentent et les montre parfaitement.» (V, 23)

«Quand [l’âme] descend dans le corps, [le démon] la lie à celui-ci, il régit son composé, règle sa vie particulière ; tous nos raisonnements, nous les concevons grâce aux principes qu’il nous communique ; nous faisons ce qu’il nous met dans l’intellect, et il gouverne ainsi les hommes jusqu’à ce que, par la théurgie hiératique, nous préposions un dieu à notre âme pour la surveiller et lui commander ; alors, ou bien il se retire devant l’être supérieur, ou il lui cède la surintendance, ou il se soumet de façon à lui apporter son concours, ou de quelque autre manière il le sert comme un maître.» (IX, 6)

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