Écrit par : David Laigneau
(ou L'Agneau)
Titre :  Harmonie mystique
Date de parution : 1986
Éditeur : Bailly

 

David Laigneau, Harmonie mystique, ou Accord des philosophes chymiques, Paris, 1636, rééd. J.-C. Bailly, Paris, 1986, introd. S. Matton, 60 pp. + 482 pp. 
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David Laigneau (ou L’Agneau) vécut de la fin du XVIe jusqu’au milieu du XVIIe siècle. Il fut en contact avec Barnaud et Penot.
 
Le principe de son livre, auquel il travailla pendant vingt-deux ans, est comparable à celui du célèbre Rosaire des philosophes : c’est un recueil de citations empruntées aux philosophes, regroupées par thème, qui illustrent leur accord ou harmonie sur les principaux sujets abordés.
 
Ainsi, le premier des dix-sept chapitres est consacré aux noms donnés à la pierre philosophale ; le deuxième, à la voie qui mène à son acquisition ; le troisième, aux matières ou à la matière dont elle est faite ; etc.
 
Les citations sont chaque fois suivies de scholies (ou commentaires).
 
Puisque Laigneau est bien postérieur à l’auteur du Rosaire, il est normal qu’il cite de très nombreux philosophes inconnus à son prédécesseur.
 
Laigneau a travaillé selon un principe recommandé aux chercheurs par les philosophes : trouver les points sur lesquels ces derniers sont tous d’accord entre eux, voire découvrir la chose unique qu’ils ont à l’esprit.
 
Voici des extraits de cet ouvrage inépuisable :
 
«Plusieurs écrits ont été faits de telle façon qu’en d’aucuns, on y trouve de trois sortes d’intelligences, autrement sens. Le premier desquels, comme la peau et l’écorce, est connu et entendu d’un chacun et est nommé littéral. Le second et moral, ou allégorique, est comme la chair couverte de la peau, néanmoins percevable de celui qui regarde dedans. Et le sens anagogique et divin est comme les os les plus cachés, couverts de chair et de peau, et pleins de moelle.» (pp. 2 et 3)
 
«Lorsqu’il est dit que l’argent vif est la matière, il faut entendre de ce sperme cuit en blanc ou en rouge, et qui est encore et sera toujours volatil, jusques à ce que le soufre, qui est le soleil ou la lune, lui soit ajouté ; alors il est dit avoir sa forme, tellement que cette matière a demeuré un fort long temps sans forme, contre la doctrine des communs philosophes qui n’admettent aucune matière sans forme.» (p. 36)
 
«[Le mercure] est aussi appelé Dédale, pource que, comme Thésée qui y était entré n’en fût jamais sorti sans l’aide et peloton d’Ariane, de même ceux qui s’embarquent dedans cette mer et entrent dedans ce labyrinthe s’y perdent de nécessité sans une particulière assistance et conduite, ou de Dieu, ou d’un fidèle ami, ou des livres, qui lui montrent la porte, qui est la noirceur par laquelle il faut nécessairement passer.» (p. 59)
 
«Comme dit un grand docte : “Là où est consentement des doctes en la chose enquise, là est la vérité, laquelle n’a besoin ni de fard ni de parures externes, étant plus belle et plus désirable toute nue, que coiffée et masquée.” Sur quoi un bel esprit de notre temps a dit : “Qui te verrait, Vérité, toute nue, ô ! qu’ardemment de toi serait épris, vu qu’en tout temps les plus rares esprits te font l’amour au travers d’une nue !”» (p. 93)
 
«Quoique les sages aient changé de noms et de discours, toutefois ils ont toujours entendu une chose, une disposition, un chemin ; les sages ont connu cette chose et ont éprouvé souvent qu’elle est unique.» (pp. 94 et 95)
 
«Il n’y a qu’une vérité, que les naturalistes ont nommée une, dans laquelle le caché est, lequel ne se voit point si ce n’est par le sage ; le maître donc fait bien, qui commence et finit par un.» (p. 96)
 
«Toute la science consiste en une seule chose.» (p. 97)
 
«De l’élixir on tire l’azoth ; or l’azoth est ce qui est tiré des corps dissous par le mercure même, qui est jugé plus mûr. […] L’élixir n’est autre chose que le corps résous en l’eau mercurielle, après laquelle résolution l’azoth est tiré de lui, c’est-à-dire l’esprit animé.» (pp. 130 et 131)
 
«L’expérience, laquelle est la maîtresse d’un chacun, montre, comme déjà a été dit, que tout ce qui est sous la concavité des cieux est brûlable et volatile, le seul or et argent réservé (quelques-uns y ajoutent le verre, mais ils en ignorent la combustion). Si donc l’artiste travaille pour avoir quelque chose d’incombustible, perdurable et fixe, pourquoi demande-t-il cette matière fixe à ce qui ne l’est pour soi-même ?» (p. 132)
 
«Le médecin commence où le physicien finit, c’est-à-dire qu’après qu’on a la connaissance du sujet sur lequel on veut travailler, on peut hardiment continuer.» (p. 138)
 
«La pierre consiste en un livre duquel le dessus est d’argent, mais les feuilles sont d’or.» (p. 142)
 
«Tous les philosophes assurent que l’élixir a trois parties, à savoir l’âme, le corps et l’esprit. L’âme n’est autre chose que le levain, ou la forme de l’élixir, le corps est la pâte, ou la matière, lesquelles deux parties sont prises des seuls métaux, à savoir la forme du soleil et de la lune, la matière de Saturne, de Jupiter, de Vénus et de Mars ; mais la troisième partie de la pierre est l’esprit, lequel étant le siège et le chariot de l’âme infuse, et transmet l’âme dedans le corps et conjoint d’un lien indissoluble ces deux extrêmes, lequel moyen ôté, l’âme ne se joindra jamais avec le corps.» (p. 156)
 
«Concluons par le consentement et commune voix de tous les philosophes chymiques, que le soleil et la lune, qui sont l’or et l’argent très purs, doivent être dissous par le mercure, qui est l’argent vif, très pur, et que ce qui est dissous d’iceux surnage toute la composition en forme d’une toile d’araignée, de couleur noire, tenace au doigt, et comme onctueuse, et d’odeur puante, laquelle si on remue avec la matière, se rendra en poudre, et tant plus ira-t-elle au fond ; qu’il la faut retirer soit en poudre ou nageante avec subtilité toute seule sans corps ; que cette seule matière noire est le fondement, le principe sans lequel la pierre des philosophes ou élixir ne peut être fait.» (p. 215)
 
«Arnaud, Hali, Calid et plusieurs autres ont usé de ce mot de “monde”, nous marquant fort clairement qu’il n’est que cette matière noire laquelle, au chapitre précédent, a été cueillie de l’électre.» (p. 264)
 
«Ne méprise point les cendres, mais rends leur derechef leur sueur laquelle [elles] ont rejetée.» (p. 310)
 
«Chaque chose naît avec son destructeur, qui la suit sans cesse, voire jusqu’à l’exterminer, sans en excepter l’or, que quelques-uns croient prendre accroissement parmi les choses qui semblent détruire les autres métaux et matières, mais ce destructeur, principalement de l’or, est connu au docte artiste.» (p. 319)
 
«Le feu du premier degré ou régime doit être semblable à celui d’une poule laquelle couve ses œufs, ou comme la chaleur naturelle digérante la viande et nourrissante le corps, ou comme la chaleur du fumier, ou comme celle du Soleil étant au Bélier, ce qui a fait dire à quelques-uns qu’il fallait commencer le Soleil étant au Bélier, et la Lune au Taureau, et ce degré durera jusqu’à la blancheur, qui sera augmenté, icelle apparaissant jusqu’à dessiccation parfaite de la pierre, et cette chaleur est semblable à la chaleur du Soleil allant aux Gémeaux. Or la pierre étant desséchée et réduite en cendre, le feu sera encore fortifié, jusqu’à ce que la pierre soit rouge parfaitement, et vêtue par le feu d’une robe royale, et cette chaleur est semblable à celle du Soleil étant au Lion.» (p. 337)
 
«Les philosophes ont marqué plusieurs termes en la décoction de cet art, aucuns un an, autres un mois, autres un jour, autres trois. Mais comme nous disons un jour l’espace du coucher et lever du Soleil, ainsi ils disent le temps du commencement de l’ouvrage jusqu’à la fin un jour. Ceux qui disent un mois, c’est pource que le Soleil va durant un mois par chaque signe du ciel. Ceux qui disent trois jours, c’est à cause du commencement, milieu et fin. Ceux qui disent un an, c’est à cause des quatre couleurs.» (pp. 365 et 366)
 
«Celui qui travaille en cette science aie de quoi vivre par deux ans au moins sans s’occuper à autre besogne, et que la longueur de l’ouvrage ne le réduise à la pauvreté.» (pp. 369 et 370)
 
«Il faut considérer mûrement ce en quoi principalement conviennent les auteurs, car là est cachée la vérité, laquelle est une et simple.» (p. 442)
 
«Il faut colliger des écrits des philosophes les fleurs, comme on les cueille aux champs parmi les épines.» (p. 443)

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