Écrit par : Sophocle
Titre :  Ajax, Oedipe roi,
Électre
Date de parution : 1958
Éditeur : Les Belles Lettres
 
 
 
 

Sophocle, Ajax, Œdipe roi, Électre, Les Belles Lettres, Paris, 1958, 195 pp.

 

Les anciens tragédiens pratiquaient l’ambiguitas tragica, l’«ambiguïté du bouc (tragikÒj)» ; le bouc (tr£goj) étant consacré à Dionysos, dieu du théâtre. Quant à Pan, le dieu «tragique» par excellence, «fils d’Hermès, il a deux natures : en haut il est lisse, en bas il est rude et semblable au bouc ; aussi Pan représente-t-il la parole» ; or la parole «est double : vraie et fausse» (Platon, Cratyle, 408c et d). De plus, Pan a les pieds fendus, comme est fendu l’Y, lettre représentant les deux sens, vrai et faux, selon lesquels on peut lire les écrits inspirés.

La tragédie Œdipe roi nous en offre le parfait exemple : tout y est ambigu et trompeur. Œdipe, roi élu et adulé par les Thébains depuis qu’il a débarrassé leur ville de la Sphinx dévorante, est imploré pour qu’il les délivre d’un autre fléau : une peste dévastatrice dont la cause, d’après l’oracle de Delphes, n’est autre que la présence, au sein de la cité, de l’assassin du roi précédent. Apollon ne soulagera Thèbes de sa souillure que si le criminel est identifié et chassé. Plein de sollicitude pour ses sujets, Œdipe commence donc une véritable enquête policière – pour découvrir, à la fin, la terrifiante vérité.

Le nom habituel de la pièce est inspiré du latin, Œdipus rex : le titre royal a généralement mauvaise réputation dans le monde latin. En fait, le nom grec de la pièce est Œdipe tyran (O„d…pouj tÚrannoj). Quand le chœur chante : «La démesure enfante le tyran» (Œdipe roi, 873), c’est aussi une allusion au dénouement de l’intrigue.

On lit dans Le Message Retrouvé :

«Nous sommes souvent fautifs quand nous croyons les autres coupables. Il faut une grande lucidité et une grande loyauté pour découvrir cela.» (III, 44)

Et aussi :

«Voilà pourquoi c’est toujours notre faute et jamais celle des autres, contrairement à ce que nous croyons communément.» (XIX, 27’)

Tout cela est résumé dans la conclusion de la pièce :

«J’apparais aujourd’hui ce que je suis en fait : un criminel, issu de criminels.» (Œdipe roi, 1397)

Quant à la fameuse énigme de la Sphinx, sa solution est bien : «l’homme», et l’interprétation du motpoàj, «pied», n’y est pas étrangère. Le poète situe la Sphinx «à nos pieds», c’est-à-dire dans notre fondement :

«La Sphinx aux chants perfides, la Sphinx nous forçait à […] regarder en face le péril placé sous nos yeux [litt. “à nos pieds”,prÕj pos…].» (Œdipe roi, 130 et 131)

N’est-ce pas aussi ce que nous lisons dans Le Message Retrouvé :

«Inutile de courir en rond et de nous agiter à droite et à gauche afin d’éviter d’avoir à résoudre l’énigme de la vie et de la mort qui nous est proposée ici-bas, car l’énigme subsiste [= se tient en bas] et elle dévore finalement ceux qui n’ont pu la résoudre.» (XXII, 50)

La pièce Ajax décrit le destin tragique du plus grand héros grec (après Achille) présent sur le sol troyen. S’estimant gravement insulté par les Grecs, qui ont préféré donner à Ulysse les divines armes du défunt Achille, Ajax se couvre de honte et de ridicule en massacrant un troupeau de bêtes que, dans sa rage aveugle, il confond avec Agamemnon, Ménélas et les autres guerriers responsables de son déshonneur.

Le sujet d’Électre est le même que celui des Choéphores d’Eschyle : le retour d’Oreste en Argolide où, aidé par sa sœur, il venge le meurtre de leur père Agamemnon.

«Il n’est rien d’impossible, quand un dieu s’y emploie.» (Ajax, 86)

«Le temps, dans sa longue, interminable course, le temps fait voir ce qui restait dans l’ombre, tout comme il cache ce qui brillait au jour. Il n’est donc rien à quoi l’on ne puisse s’attendre, et l’on trouve en défaut aussi bien le plus fort serment que les volontés les plus fermes.» (Ajax, 646 à 649)

«L’on ne doit haïr son ennemi qu’avec l’idée qu’on l’aimera plus tard.» (Ajax, 679 et 680)

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