Écrit par : Paracelse
Titre :  Les Dix Archidoxes
Date de parution : 2018
Éditeur : Beya
 

Paracelse, Les Dix Archidoxes, avec les commentaires de Gérard Dorn, trad. S. Feye, Beya, Grez-Doiceau, 2018, 616 pp.

La parution de l’ouvrage est un événement.

En effet, si les Éditions Beya ont déjà publié un nombre significatif d’ouvrages permettant au lecteur francophone de prendre connaissance de la pensée de Paracelse et de son disciple Dorn, elles nous offrent cette fois non seulement la traduction d’une œuvre majeure du médecin suisse, mais aussi, disposé en vis-à-vis, le très précieux commentaire que Dorn en propose, paragraphe après paragraphe, chapitre après chapitre, et qui aide à débrouiller le texte parfois (ou souvent) abstrus du génial Théophraste.

La traduction de Monsieur Feye ne laisse rien à désirer : il a confronté version latine et versions allemandes, signalé en note les variantes les plus importantes, et comparé attentivement le texte de Paracelse et le commentaire de Dorn, présentés et disposés de telle manière que le lecteur puisse facilement passer de l’un à l’autre, comme cela lui convient, sans que cela suscite la moindre confusion ou dispersion. Une prouesse !

De quoi est-il question dans Les Dix Archidoxes ? Précisons d’abord que Paracelse n’en a publié que neuf, gardant le dixième « caché dans son occiput, de peur d’instruire les indignes ». Dorn l’a remplacé par Le Traité sur la vie longue de Paracelse, dont la traduction et le commentaire figurent également dans ce tome.

L’auteur des Archidoxes y parle longuement des nombreuses causes des maladies et de la mort, et des remèdes que Dieu a mis à la disposition de l’homme, lui permettant de guérir ou prévenir les maladies, ou encore de prolonger la vie.

Comme tous les textes des philosophes, celui-ci également demande des lecteurs éclairés, doués d’intellect, qui y reconnaîtront, à n’en pas douter, la même inspiration et la même connaissance expérimentale qui fondent les écrits des autres maîtres. Car bien que Paracelse ait l’habitude de critiquer et rejeter l’enseignement des Anciens, un lecteur averti verra ici, plus d’une fois, qu’au fond, il s’accorde avec l’éternelle doctrine de vérité unissant tous les vrais sages.

Pour finir, voici quelques extraits des Dix Archidoxes, ou des commentaires de Dorn :

« Qui nous comprend saisira nos écrits ; mais qui ne nous comprend pas, nos écrits ne peuvent l’instruire. » (p. 140)

« Il y a certains signes à apprendre des mineurs des métaux, permettant de connaître comment la forme d’un métal tant imparfait (autrement dit liquide ou semi-concret), que congelé et parfait, a été mise ou a été laissée ainsi, ou non totalement complétée, par la nature. Quiconque voudra les savoir, c’est surtout chez eux qu’il doit l’apprendre, et non chez d’autres. Cela n’empêche pas l’auteur de mettre quelques signes : par exemple quand on verra que de manière inopinée deviennent fertiles des arbres stériles qui n’auraient plus produit aucun fruit depuis plus ou moins vingt ans, il faudra croire que l’ens primum [“l’étant premier”] de l’or a touché leurs racines, et que c’est pour cela qu’ils se sont mis à reprendre leur verdeur d’antan et à être florissants. Idem là où on voit une terre stérile devenir d’elle-même fertile. On doit croire que cette rénovation, d’arbres et de terre, est due au même ens. Il livre encore un autre signe : dès qu’on voit des flammes ou des étincelles en quelque lieu, c’est le signe qu’un primum ens est sorti en tant que métal, et qu’il s’adonne à la coagulation. » (p. 167)

« La sagace nature, en guise de bienfait de Dieu, a ordonné en toutes choses un élément prédestiné, dans lequel résiderait le don du ciel à rechercher par les hommes pieux et sages et à posséder tant pour conserver que pour récupérer la santé. » (p. 207)

« Toutes les choses prédestinées à la médecine et à la conservation de l’homme, se trouvent en dehors de lui. Car sa nature a horreur de sa propre destruction. Elle est, au contraire, tendue et encline plutôt à sa réparation provenant de choses similaires, c’est-à-dire que son essence quinte se délecte énormément par l’arrivée d’une deuxième essence quinte, tirée d’un corps autre, non d’un semblable. Voilà comment il faut comprendre ce que les plus anciens ont dit : que nature se réjouit de nature, que nature vainc nature, qu’elle est vaincue par nature, qu’elle retient également nature, et qu’elle est retenue par nature. » (p. 245)

« La mort fait irruption de l’extérieur par accident, et non par nature. Il est donc certain qu’aucune mort n’est naturelle, mais qu’elle s’impose aux choses naturelles sans la nature, par déficience de la nature. » (p. 319)

« Ce qui nous émeut et nous délecte, par contre, c’est la grande nature elle-même qui s’offre à nous, dans nos mains. » (p. 422)

« Les maladies n’introduisent pas la mort. C’est que ce sont des choses très ennemies entre elles : la maladie est dans la nature, alors que la mort est hors de la nature et contre elle. » (p. 441)

« Il est étranger à un Chrétien de penser que nous n’avons ni le pouvoir ni le devoir de prolonger notre vie grâce aux médicaments que Dieu a créés à cet effet pour nous. Il est, au contraire, on ne peut plus idolâtrique et idiot de ne pas croire que cela a été mis en notre pouvoir comme dans le cas du feu. Au contraire, notre seul défaut est de ne pas connaître les bois nous permettant d’allumer notre vie comme un feu. » (p. 540)

« La nature a été créée immune de toute corruption de mort. C’est pourquoi, si elle pouvait, ou si cela lui était concédé par son créateur, elle ne souhaiterait rien plus que la conservation de la vie de ses productions. » (p. 541)

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