Joseph ministre en Égypte…
Commentaire de l’aphorisme 96, issu des
Aphorismes du nouveau-monde d’Emmanuel d’Hooghvorst

Un aphorisme est une sentence renfermant beaucoup de sens en peu de mots. Emmanuel d’Hooghvorst, l’un des plus grands hermétistes que connut le XXème siècle, quitta ce monde en y laissant les Aphorismes du nouveau-monde. Ils sont d’une densité presque impénétrable pour les hommes de l’ancien-monde que nous sommes. Que pourrait-on cependant faire de mieux que d’essayer d’en flairer le sens en les méditant longuement, et en espérant en recevoir un jour l’Intelligence ?

Nous proposons ici au lecteur quelques idées d’interprétation de l’aphorisme n°96[1] qui nous sont venues de la confrontation des Écritures Saintes. Que l’Esprit qui les a inspirés nous pardonne notre faiblesse, et vienne éclairer l’entendement de ceux qui le cherchent sincèrement.

            Aphorisme n°96 :

Joseph ministre en Égypte, se lit cuisant récolte du pain des élus en terre muette d’un mort su en Osiris. En ce siècle de famine, se tut la Sagesse des Anciens. Hérita-t-on sans généalogie ?

Où gît Osiris, soit goûté son Hué. Se sut du siège béni, l’héritage de ces fiançailles des corps chymiques. T’est dit ici l’Art pur qu’exila Rome qui n’a même fondement.

Lève ô Pain cuit de IAVE ! Soupèse-le !

L’histoire de Joseph et ses frères est bien connue. Jaloux de leur cadet, ses frères l’avaient vendu à des marchands ismaélites, faisant croire à leur père qu’il avait été dévoré par une bête sauvage. Ces marchands le vendirent à leur tour à Putiphar, eunuque de Pharaon. Alors qu’il faisait prospérer la maison de ce dernier, la femme de Putiphar l’accusa injustement de l’avoir voulu abuser et le fit jeter en prison. Mais sa capacité d’interpréter les songes allait le tirer d’affaire… Pour avoir prédit à Pharaon sept années de bonnes récoltes suivies de sept années de mauvaises et avoir pu ainsi limiter la famine, Joseph fut libéré et nommé ministre. C’est ainsi qu’il devint tout-puissant.

Les cabalistes enseignent que dans les Écritures, un même mot a toujours le même sens. Joseph fils de Jacob par exemple, est le même que Joseph le charpentier, nourricier du Christ. On pourrait donc considérer que l’aphorisme d’EH parle de l’un comme de l’autre, et nous apporte un commentaire de plus, non pas sur le Joseph historique de la Genèse, mais sur l’aspect du Mystère qu’il symbolise. Charles d’Hooghvorst n’écrivait-il pas, dans son introduction aux Aphorismes du nouveau-monde :

« C’est donc l’Homme nouveau qui a écrit ces aphorismes. Ils nous décrivent son Monde Nouveau, ou plus exactement, ils nous enseignent la réalisation de l’Œuvre de la Nature régénérée, renouvelée. Ici, l’auteur parle de ce qui est expérimenté de l’autre côté du voile de la création mélangée dans laquelle nous nous trouvons, et c’est pourquoi son langage nous paraît impénétrable ».

Qui est donc Joseph dans le Monde Nouveau ?

Ce qu’EH dit d’Ulysse dans son Fil de Pénélope peut manifestement être appliqué à Joseph :

« Tels sont donc Polyphème l’enragé, soucieux seulement de vie animale et Ulysse, l’or céleste descendu pour recevoir des présents : pour s’enrichir, se condenser en corps métallique. Mais le voilà pris en sa geôle minérale comme dans un retrait ou une étable. Polyphème ne le reconnaît pas pour ce qu’il est : sucer les égarés n’est séparer ni cuire l’or latent d’existence celée. » (Fil de Pénélope, p. 40)

Joseph, comme Ulysse, est cet or céleste qui descend en Égypte pour s’y enrichir et acquérir de la densité. Or selon ce passage du Fil de Pénélope, il commence par être « pris en sa geôle minérale ». Tel est son état en chacun de nous, il est prisonnier comme Joseph dans sa prison d’Égypte. Polyphème ne le reconnaît pas pour ce qu’il est, il est encore illisible. Il ne se lit en effet que lorsqu’il se sépare et commence à se cuire.

L’origine du nom Joseph est la racine [cy, qui signifie en hébreu « ajouter ». Les cabalistes ont pour cette raison dit de lui qu’il avait reçu un ajout, un supplément d’âme. Dans la tradition juive, l’homme possède, outre son corps, le [vg (gouf), une wpn (nefesh) esprit soumis aux astres, ainsi qu’une partie divine appelée hmwn (nechamah) qui est comme enfermée au fond d’une cave, et à laquelle il n’a accès que s’il en reçoit la clé, ce supplément d’âme qu’ils appellent le xvr (rouah).

Si notre Joseph est dit ministre, est-ce parce qu’il descend dans cette cave accomplir le ministère, qui aboutira en remontant, lors de sa sortie d’Égypte, au magistère ? Ou bien parce qu’il administre le pain du ciel détendu dans le vin de la terre aux enfants de Dieu, comme le dit ce verset du Message Retrouvé de Louis Cattiaux :

« Le pain du ciel doit être détendu dans le vin de la terre pour être administré aux enfants de Dieu, car la communion du Vivant d’éternité possède une force qui peut tuer notre faiblesse. » (MR, XXIX, 49)

Selon ce verset, le ministre permet l’union du ciel et de la terre, de la même façon que la cuisson de Joseph est suivie dans l’aphorisme par l’union d’Isis et d’Osiris. On peut dès lors le rapprocher d’Hermès/Mercure, ministre d’Isis et d’Osiris. Dans ses Fables égyptiennes et grecques, Pernety dit de lui qu’il est celui qui permet leur union, étant un peu de la nature de chacun. La planète Mercure est d’ailleurs toujours proche du Soleil et de la Lune lorsque ceux-ci sont conjoints[2], et saint Augustin donne au nom du messager des dieux (Mercurius) l’étymologie de per medium currens, voyageant au milieu – c’est-à-dire entre le haut et le bas, entre le sacrum et l’occiput.

Pernety nous parle ailleurs de cette préparation à la génération, fruit de l’union d’Isis et d’Osiris par Mercure en termes plus chymiques :

« Le Mercure est le principal agent intérieur de l’œuvre : il est chaud et humide ; il dissout, il putréfie, il dispose à la génération ; et l’artiste est l’agent extérieur. » (Pernety, Fables égyptiennes et grecques, tome I, p. 280)

Joseph cuisant n’est donc pas nécessairement un homme extérieur muni d’un bon réchaud. Il peut être un agent intérieur de l’œuvre. Pernety distingue d’ailleurs deux chaleurs :

« Il y a donc deux chaleurs, une putrédinale externe, et une vitale, ou générative interne. Le feu interne obéit à la chaleur du vase jusqu’à ce que, délié et délivré de sa prison, il s’en rende le maître. La chaleur putrédinale vient à son secours, elle passe en la nature de chaleur vitale, et toutes deux travaillent ensuite de concert. C’est donc le vase qui administre la chaleur propre à corrompre, et la semence qui fournit le feu propre à la génération. » (Dom Pernety, Fables, tome 1, p. 170)

Cette chaleur vitale, ou générative interne, qui finit par se rendre maître de sa prison semble bien être notre Joseph. Au cours de sa cuisson, il devient tout puissant, il lève et sort ainsi d’Égypte.

Mais que représente l’Égypte ? Son nom hébreu, ,yrjm (mitsraïm) signifie angoisse, mais aussi moule. Cette angoisse est nécessaire, elle est le moule dans lequel peut se cuire l’esprit d’en-haut. Le mot ,yrjm (mitsraïm) est également apparenté à hryjy (ietsirah) « formation », nom donné au troisième des quatre stades de densification des sephirot. L’Égypte est par ailleurs appelée pays de Cham, qui vient de ,x (ham) la chaleur, peut-être celle qui permet la cuisson…

Elle est encore la terre dans laquelle les membres d’Osiris furent dispersés par Typhon, jusqu’à ce qu’Isis vienne les rassembler et rendre la vie à son frère bien-aimé. EH semble avoir exprimé la même chose en enseignant dans ses cours d’hébreu que Joseph était descendu en Égypte pour y récolter les étincelles de sainteté qui s’y trouvaient, ce qui fait également écho au verset :

« Les prophètes sont venus collecter la poussière d’or dispersée dans la boue de ce monde. » (MR, XVIII, 6)

C’est donc en Égypte, dans la boue de ce monde, que Joseph trouve de quoi s’enrichir ; et dans les trois cas (les membres d’Osiris, les étincelles de sainteté et la poussière d’or) cette richesse semble devoir se récolter. C’est peut-être pour cette raison que l’aphorisme insiste sur le fait que Joseph cuit récolte du pain des élus, et non pas directement le pain comme on aurait pu l’attendre au sens premier.

La terre muette dont fait ensuite mention l’aphorisme nous mène néanmoins à une autre interprétation. Charles d’Hooghvorst nous a laissé un commentaire passionnant sur le silence de la terre. Il commente cette phrase de son frère EH « la géniale alchymie se lit du silence d’une terre damnée qui est l’enfer des métaux » en disant que notre terre à nous ne se tait jamais, qu’elle est comme les grenouilles des dix plaies d’Égypte qui coassent sans arrêt. Le jour où cette terre se tait enfin, dit-il, il faut la faire suer par l’Art. Charles dit de cet Art qu’il est un feu qui vient du ciel. C’est lui qui permet au mort – Osiris – dans son tombeau – la terre muette – de naître. Cette sueur nous ramène au Mercure dont nous parlions, puisqu’Emmanuel d’Hooghvorst disait à son sujet : 

« Le rebis est le mercure préparé par l’Artiste. On ne le trouve pas dans cet état dans la nature. C’est une sueur. La sueur de la pierre, c’est le Mercure des Philosophes, c’est le mercure qui doit cuire. » (Commentaire oral à des amis)

Pourrait-on alors comprendre que Joseph est cette sueur qui cuit, récoltée du pain des élus, récolte qui se fait en terre muette ? Ou bien cette sueur est-elle elle-même le pain des élus récolté en terre muette, ou tiré de la terre muette ?

Mais que viennent ajouter les mots « d’un mort su en Osiris » ? Le passage du Fil de Pénélope qui commente l’arrivée d’Ulysse chez Calypso est éclairant :

« Le mât et la quille rendus à Ulysse, voilà notre Hué pourvu de poids et de mesure ; c’est désormais le fameux mercure des Philosophes, l’Esprit-Corps de l’Univers. Le voilà conduit à présent en Calypso. “Elle me cuira”, dit l’Art pur, “en lente cure comme une punition”. Le soin de Calypso l’éduquera d’un mode non su en l’exil qui pense l’Art bêtement. Calypso, maître d’Art, ni Dame ni déesse, cuira désormais notre Grand Art. » (Fil de Pénélope, p. 99)

Si EH spécifie « su en Osiris » dans l’aphorisme, c’est donc certainement par opposition au fait que cette cuisson n’est pas sue en l’exil. C’est peut-être également à cela qu’Ovide fait allusion lorsqu’il dit que Midas garde des oreilles d’âne, alors qu’il a terminé de cuire.

« S’il put cuire ce rêve divin en corps de sagesse, Midas sut-il l’Y de l’Art magique ? Il ne crut ce pur rire placé en un pot. “Je parle”, dit-il “inspiré de ce Pan, ma muse, mais je n’entends ce rire cuit”. Ce rire ne s’entend que d’oreilles sages. Te le faire entendre, sot muet, serait le semer en exil ! » (Fil de Pénélope, p. 139)

L’exil n’entendra donc jamais le son de ce rire cuit, il n’y a qu’Osiris pour l’entendre.

C’est d’ailleurs peut-être pour cela que l’aphorisme parle encore de famine à la suite : en ce siècle de famine, se tut la Sagesse des Anciens, tandis que Joseph est déjà en train de cuire – pour autant que la chronologie ait une importance, puisque, comme disait rabbi Abahou, elle ne pose problème qu’à ceux qui ne sont pas reliés. (Talmud de Babylone, Berakhot, 10a).

Nous pensons pouvoir comprendre cette famine de deux manières :

Elle peut désigner l’état dans lequel se trouve la partie supérieure de l’homme qui erre, privée de sens et de parole. Pour cette même raison, on dit de la Sagesse des Anciens qu’elle se tut. Elle a perdu la parole. Le mot « sagesse » vient du latin sapientia, lui-même issu de sapere, goûter. Ce n’est que grâce au sel d’Osiris que cet Hué sera goûté.

La famine est également l’état dans lequel nous nous trouvons dans ce monde. Elle peut donc signifier l’état d’avarice et de gel dans lequel nous sommes. Cet état est toutefois nécessaire, puisque c’est grâce à la famine que l’or afflue en Égypte, ou autrement dit, c’est grâce à notre avarice que confluent en un seul lieu tous les éléments nécessaires à la résurrection corporelle – c’est-à-dire notre corps, notre âme et notre esprit. Ils y sont cependant gelés et mêlés de crasse, et doivent être séparés, purifiés et recuits ensemble pour que cesse la famine.

Et comme dit l’aphorisme, il ne faut pas seulement que la cuisson commence pour que cesse la famine, il faut qu’il y ait héritage : hérita-t-on sans généalogie ?

Quelle est cette généalogie nécessaire pour avoir part à l’héritage ? Nous avons cité plus haut un passage du Fil de Pénélope qui disait que Midas ne pouvait entendre le rire cuit. Il faudra pour cela, dit la suite du texte, que son barbier, appelé par EH feu de régénération, vienne lui couper les poils des oreilles. Or l’étymologie du mot régénération le rapproche précisément de la généalogie nécessaire pour hériter. Ce n’est qu’une fois régénérés par ce feu que nous pourrons hériter.

Un commentaire du Midrash sur la généalogie de Joseph va dans le même sens. Il commente ce verset de la Genèse : « Voici les engendrements de Jacob : Joseph était âgé de dix-sept[3] ans » (Gen. XXXVII, 2), en disant que l’on aurait pu s’attendre à ce que le texte mentionne Ruben, fils aîné de Jacob, plutôt que Joseph. Les engendrements dont parle l’Écriture sont donc les « engendrements messianiques », ceux qui se font par le xvr (rouah) qui est justement le supplément d’âme que nous rapprochions tout à l’heure de Joseph.

Cela rejoint encore l’enseignement cabalistique qui dit qu’Isaac a une généalogie à partir du moment où Dieu s’est manifesté à lui en disant : « Je suis le Dieu d’Abraham ton père, ne crains pas » (Gen., 26, 24).

C’est donc l’homme qui a eu part à cette manifestation, qui a été réengendré par le xvr (rouah) qui hérite, et non l’homme charnel. EH dit d’ailleurs dans la suite du commentaire sur le roi Midas :

« Cuire en lourd métal cet air léger du printemps, c’est œuvre d’homme. La récolter, c’est  l’œuvre  d’un dieu » (Fil de Pénélope, p. 139)

ce qu’il met d’ailleurs en relation avec le passage des Évangiles qui dit : « l’un sème, l’autre moissonne ». (Jean, IV, 37)

Ajoutons à propos du terme hériter que certains l’ont rapproché du latin haerere, être attaché, se fixer. On dit dans la tradition juive que la Torah est premièrement fluide, mais que pour ceux qui parviennent à la capter, elle devient une semence qui pousse et croît en un arbre solide. Il suffit alors de s’attacher (haerere) à l’arbre et de tenir bon, tel Ulysse à son mât. Cette semence est-elle elle aussi liée au réengendrement, à la nouvelle généalogie qui permet de se fixer, d’hériter ?

Continuons la lecture de l’aphorisme : où gît Osiris, soit goûté son Hué.

Commençons par définir l’Hué, avec les termes de celui qui en a enrichi la langue française.

« Voilà l’or de la vie ou mercure vulgaire errant et non fixé, suspendu dans le grand Océan qui entoure notre globe. Nous avons vu déjà qu’un des noms de l’or volatil dans les mystères d’Éleusis était Hué!, pleus! Dans cet état qui correspond au monde platonicien des idées, le génie d’Hué pense le monde sans en avoir le poids. C’est un mage sans magie, muet, errant, perpétuellement en quête d’un lieu, d’un logement terrestre et fixe, car cette pensée désire parler, se dire, se définir, peser en corps et mesurer, car le logos platonicien est défini comme la mesure de toutes choses. Cet errant ne peut donc accomplir son grand désir: former son fruit en l’Art, c’est pourquoi il est appelé Ulysse, l’irrité. » (Fil de Pénélope, p. 65)

Cet Hué cherche à s’incarner, et ce n’est que lorsqu’il est uni à Osiris qu’il peut être connu, être goûté et donner ainsi la sagesse. Á ce moment, il devient Kué, qui signifie : engendre ! Notons en passant que l’on peut peut-être rapprocher Hué de l’Art, que l’étymologie « #arj » rapproche du français verser, du mâle ¢rshn qui verse sa semence ; et Kué de tecnh, issu de tiktw, engendrer. Hué ainsi semble se rapporter au mystère de l’union, et Kué à celui de la génération, de l’engendrement que va être l’héritage de ces fiançailles des corps chymiques.

Cet héritage se sut du siège béni, c’est donc certainement là, dans le sacrum, que se trouvera le dieu réengendré qui va récolter la moisson. Ajoutons qu’en égyptien, l’hiéroglyphe d’Isis est un siège. On pourrait donc interpréter le siège béni comme Isis descendue (le mot hébreu employé pour bénir, !rb (barakh) signifiant également faire descendre). Isis descendue devient dans la Vierge Marie celle qui engendre le Christ.

Dans la suite de l’aphorisme : t’est dit ici l’Art pur qu’exila Rome qui n’a même fondement, on peut entendre (au moins) deux choses différentes. Soit Rome n’a même pas de fondement, soit elle n’a pas le même fondement – ce qui revient peut-être au même. Rome, que les Hébreux appellent Édom a, selon eux, un fondement de chair. Dans la lame du Tarot intitulée Le Pape, on voit très bien que le fondement de ce dernier est bleu, c’est-à-dire, désincarné.  Jacob, pour sa part, a pour fondement un os : le sacrum. Il est cette semence appelée, zvl, louz, l’amande, qui deviendra la9tyb, Bethel, la maison de Dieu, après la vision de Jacob. Si l’on dit que Rome l’exile, c’est peut-être lié au fait que les vertèbres du sacrum sont séparées des autres. Ou serait-ce une façon d’exprimer la séparation du pur et de l’impur qui se produit à ce moment ?

Quant à l’Art pur, c’est le résultat de l’union du mâle et de la femelle :

 « La rencontre du mâle et de la femelle est la fin des fables : elle provoque l’Art pur. » (Fil de Pénélope, p. 227).

Il est l’union du feu de l’Art et de celui de la Nature, qui pourraient être les deux chaleurs dont parlait Pernety dans l’extrait cité plus haut, finissant par s’unir et travailler de concert.

EH dit à propos de cette union :

« Quel poète! le disciple de l’Art qui prépare et dispose ce commerce où Isis et Osiris se connaîtront, deux en un, lu Pan. C’est l’âge d’or mûrissant en un pot. Les fiancés de l’Art sont donc comme deux sens, le solve et le coagula lus en un seul. Sans chymie ne se régénère cet or vil. » (Fil de Pénélope, p. 80).

Pan a souvent été rapproché, par son étymologie, du mot pain. Ce pain doit encore mûrir dans un pot, et cela pourrait expliquer que dans sa dernière phrase l’aphorisme dit : Lève, ô pain cuit de IAVE ! Soupèse-le ! Faire lever un pain cuit, ce qui pris littéralement semble n’avoir pas beaucoup de sens, serait donc le faire mûrir, le faire fermenter.

On dit d’ailleurs que le vouloir du Père est comme un ferment, qui cuit un pain qui est le fils, avec la farine qui est le Saint-Esprit. Joseph pourrait être ce ferment qui fermente cette pâte qui lui est consubstantielle, et la multiplie, la fait lever.

On peut également rapprocher cette cuisson de ce que dit Pernety en commentant ce canon de d’Espagnet :

« d’Espagnet canon 79 : “le feu de la nature, qui achève la fonction des éléments, devient manifeste, de caché qu’il était, lorsqu’il est excité par le feu extérieur. Alors le safran teint le lys, et la couleur se répand sur les joues de notre enfant blanc, devenu par-là robuste et vigoureux ” Le feu est donc la vraie nourriture de la Pierre des sages. Non pas, comme quelques-uns pourraient se l’imaginer, que le feu augmente la pierre en largeur, hauteur et profondeur, et qu’il devienne une substance qui s’identifie avec elle, comme il arrive à la nourriture que prennent les enfants : mais le feu nourrit et augmente sa vertu, il lui donne ou plutôt manifeste sa couleur rouge, cachée dans le centre de la blanche, de la même manière que le nitre devient rouge au feu, de blanc qu’il était ». (Pernety, Fables, tome 2, p. 259)

Lever le pain serait alors le rendre manifeste, de caché qu’il était.

Concluons en notant que la dernière phrase nous semble reposer sur le nombre quatre : elle est composée de quatre mots de quatre lettres : Lève, pain, cuit et IAVE, ce qui fait immédiatement songer aux quatre éléments. Or IAVE, en guématrie, vaut 10 (suivant l’alphabet latin), et pourrait donc être ce feu de d’Espagnet, qui achève la fonction des éléments, ou autrement dit la décade enchaînée dans les quatre éléments. EH dit de cette décade que les Pythagoriciens appelaient Tétractys :

« C’est le Grand Art mûri que les disciples nommaient Tétractys ou tétrade sacrée, source de nature et modèle des dieux. Là, les sirènes sont muses vives, la voix d’un feu amical né du silence. En Tétractys se fait tout l’Art gardé en pot luté où se pèse un doux mercure ». (Le Fil de Pénélope, p. 89)



[1] d’Hooghvorst, E., Le Fil de Pénélope, Grez-Doiceau, Beya, 2009, pp. 419-420. C’est à cette édition que nous renvoyons tout au long de cet article.

[2] Puisqu'elle est toujours proche du soleil.

[3] Il est amusant de noter qu’en guématrie, le mot généalogie vaut justement dix-sept.

 

 

[i]



[i] Puisqu’elle est toujours proche du soleil.

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