La Magie ou l'art du Verbe

 

Message Retrouvé, XVII, 23

Quand la mauvaise parole et quand le mauvais coup sont partis, qui pourra les retenir et qui pourra les effacer ensuite?

Le saint Nom du Seigneur est une magie toute puissante dans la bouche de celui qui croit et qui aime véritablement.

Selon Michaël Maier, le mot magie signifiait anciennement en Perse, la sagesse et la connaissance très parfaite des choses naturelles. (Table d’or, Beya, 2015, p. 66)

Le dictionnaire étymologique de Caroline Thuysbaert nous dit que le sage (sofÒj qui vient de saf»j) signifie celui qui parle clairement. Tandis qu’être stupide semble signifier « être muet ».

À ce propos, dans la quatrième Bucolique de Virgile (§ 55 – 57), il est écrit que Virgile parle, chante et charme (charme, du latin carmen, chant magique, formule magique), car il est inspiré par la muse, le souffle divin universel de la tradition païenne, comparable à l’Esprit Saint de la tradition chrétienne.

Celui qui comme Virgile parle, chante et charme va pouvoir carder la laine (le mot latin carmen vient lui-même de cardere, carder) et ainsi démêler le fil de l’art qui arrive de manière brute. « La prophétie vient comme des flocons de laine ». D’où ces nombreuses images de cardeuses qui doivent « déduire » le chant, comme dit Virgile (« deductum dicere carmen »).

Dans « La Grande Astronomie », Paracelse dit que la magie est la mère de toutes les inventions. C’est par son pouvoir que sont connus les secrets de la nature.

Toujours dans le même ouvrage, il écrit : « qu’est-ce que la magie, sinon une médecine supérieure qui utilise uniquement les forces du firmament, soit sans déranger le cours habituel de la nature, soit de manière extraordinaire ? Toutes les œuvres de magie s’accomplissent grâce à l’imprégnation astrale qui est déterminante dans toute génération. Il n’y a pas que les hommes qui pratiquent la magie, la nature s’y livre également de bien des façons ».

On distingue deux sortes de magie ; la première qui ne nous intéresse pas particulièrement, est la basse magie, comme la lycanthropie qui utilise des supports animaux pour matérialiser un esprit au cours du sommeil. Elle est cependant intéressante en ce qu’elle nous prouve que l’esprit a besoin d’un support pour s’incarner. La haute magie, quant à elle, consiste à fixer l’esprit d’en haut. Pour cela il faut entrer en contact avec quelqu’un qui nous répond et qui nous exauce. C’est cette haute magie qui nous intéresse pour notre quête.

 « Faire descendre la magie des mondes et la fixer en son lieu, c’est aussi l’œuvre de la cabale chymique » (E. d’Hooghvorst, Fil de Pénélope, t. I, p. 27)

La parole est un sel, c’est pourquoi lorsque nous prions, nous pouvons fixer l’esprit d’en haut. Et lorsque l’esprit d’en haut est coagulé par un sel, il se met à parler, il n’est plus illimité, il a acquis une mesure dans l’homme. C’est ce qui se passe dans le conte de Riquet à la Houppe : Riquet est laid mais il possède le sens et la mesure de toute chose, tandis que la princesse est d’une grande beauté mais est dépourvue du sens, elle rêve sans mesure… Ils vont s’unir et ainsi la belle aura fixé le verbe dans sa cage d’amour ou, comme il est écrit dans le Fil de Pénélope concernant Viviane la dame du lac : « La belle devint si savante qu’elle parvint à enclore son ami Merlin, en une chambre d’amour dont il ne revint jamais ».

Cette union n’est pas à notre portée car pour qu'il y ait un sel il faut que le ciel et la terre s’unissent ; ce qui ne se fera que lorsque nous aurons été visités par l’ange Gabriel. La parole sera alors bien dite, c’est ce qu’on appelle la béné-diction. C’est alors la vraie récréation ou la régénération.

La véritable magie, c’est donc donner corps à la parole divine. Celui qui a expérimenté les effets de la prière est devenu un plus grand magicien que celui qui étudie la magie dans les livres.

Mais pour prier, il faut tout d’abord un désir. Péladan disait : « Malheur à l’homme de peu de désirs car son désir se réalisera » (Épigraphe « Métaphysique de la peinture »)

Selon le dictionnaire étymologique de Caroline Thuysbaert, le mage est d’ailleurs celui qui désire ardemment ou qui est ardemment désiré.

Il faut ensuite imaginer la réalisation de son désir, pas nécessairement les moyens, mais la réalisation. L’image doit être très précise et claire, et la chose doit être profondément désirée. Il faut enfin prier à haute voix afin de fixer ce qu’on a imaginé. Louis Cattiaux disait que Jésus faisait cela comme un virtuose et qu’il obtenait tout à l’instant.

MR, XX, 45’ : Le désir donne la substance. L'imagination donne la forme.
Le verbe donne le poids. La foi donne la vie, mais c'est la pureté du cœur qui permet seule l'union avec le Dieu créateur et rénovateur de toutes choses.

Le verset suivant nous donne encore quelques précisions : MR, XI, 51’ « La réalisation du souhait est fonction de la précision de l’image conçue, de la puissance de projection du désir et de la régularité patiente de la prière. »

Ce que nous devons espérer, désirer avant tout c’est le don de Dieu, c’est pourquoi notre imagination doit être canalisée et nourrie par les textes des sages, sinon elle rêve. Au début, il faut s’assurer que nos imaginations correspondent bien au sens réel que l’auteur à voulu mettre dans le texte, mais petit à petit, notre imagination commencera à imiter celle des sages. Il faut que notre imagination soit remplacée par celle de Dieu.

 « L'imagination est l'outil qui découvre Dieu. La patience est celui qui le met en évidence ». (Message Retrouvé, II, 4’)

Enfin, je ne trouve pas de meilleure conclusion que cette prière « bien dite », qui vient du MR, XXIII, 8. « Ô Miséricordieux, viens à notre secours malgré nous, puisque notre stupidité[1] nous empêche même de crier vers toi. Ô Tout-Puissant, réveille en nous la foi dans l’immortalité et oriente nos cœurs vers ta sainte face afin que nous soyons réengendrés dans ta pureté et dans ton incorruptibilité. »

Lorraine de Coppin


[1] Stupidité vient du latin stupere qui signifie être muet.

 

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